Vers une convergence des luttes du secteur médico-social et du secteur sanitaire ?

Aujourd'hui se tenait un rassemblement devant le Ministère des Solidarités et de la Santé, pour demander la revalorisation salariale du secteur médico-social, dans le sillon du Ségur de la Santé. 

MISE À JOUR DU 22/01 : la revalorisation salariale a été actée pour le secteur médico-social  (pour les agents rattachés à un établissement public de santé). 

Vers une convergence des luttes du secteur médico-social et du secteur sanitaire ?

Photo d'illustration. © M.S / ActuSoins

« Le social et la santé sont intimement liés… Une brèche est ouverte pour faire du fric sur notre dos ».

A la tribune, Florence, éducatrice, crie son désarroi. Et appelle à une convergence des luttes du social et de la santé. Vu les participants au rassemblement de ce jour, pas de doute : des soignants du secteur sanitaire comme du secteur médico-social étaient bien présents ce matin, mais quelques dizaines seulement. Signe d’une fatigue généralisée ? D’une résignation à ne pas se faire entendre ?

Ce n’est pas le cas de Fatou, 37 ans. Cette infirmière exerce dans un centre de santé de banlieue parisienne. « On se sent exclue et oubliée du Ségur de la Santé, lâche-t-elle. Si je suis venue aujourd’hui, c’est pour demander une revalorisation de nos salaires, au même titre que nos collègues de l’hôpital ».

Dans son centre de santé, confie-t-elle, ses collègues et elles ont « été présentes autant que les infirmières de l’hôpital public au moment de la première vague de covid ». Et ce n’est pas fini, puisqu’elles vaccinent désormais. « Alors pourquoi nous oublier ? » Bien sûr, elle a sa petite idée. « Par rapport à l’hôpital et aux Ehpad, les centres de santé ne sont pas assez représentées dans les commissions. »

Invisibilisés

A ses côtés, Aminata, 40 ans, ne comprend pas non plus cette inégalité de traitement. « Par notre action, nous avons largement contribué à ne pas engorger les hôpitaux avec certains patients. Nous avons évité une surcharge de l’hôpital, malgré le manque de matériel. Nous aussi étions en première ligne », réaffirme-t-elle.

Mais « nous sommes perçus comme de petits dispensaires et considérées comme des sous-infirmières, alors qu’on fait le même métier et qu’on a le même diplôme», déplorent les deux collègues, qui rappellent faire des « soins infirmiers, de la médecine générale, mais aussi les tests de dépistage ». Le covid ne les lâche pas… Mais armées de leur détermination, elles non plus ne « lâcheront rien ». « Dans ce métier, il faut mieux faire preuve d’optimisme », conclut Aminata.

Quelques mètres plus loin, Ariane, 47 ans, tient fièrement sa banderole. Venue spécialement de Savoie, cette infirmière en maison d’accueil spécialisée (MAS) est déçue et en colère. « Cet été, nous avons reçu un papier qui nous parlait des 183 euros. J’ai donc cru que nous bénéficierons des décisions du Ségur. Mais en fait, on a eu un faux espoir. On ne s’attendait pas à ne pas les recevoir ! »

Ce sentiment d’injustice l’a déterminée à faire le déplacement, prenant sur un jour de congé, avec cette impression désagréable que « notre travail n’est pas important ».

Mais, suppose-t-elle, « personne ne connaît vraiment le fonctionnement des MAS, et nous sommes peu aujourd’hui à cause des assignations ». Elle rappelle la « charge de travail » au quotidien, encore accentuée par le covid, les décès pendant la première vague, les patients psychotiques, et ceux qui auraient pu se retrouver en Ehpad. « Après tout, notre structure est médicalisée, elle compte des infirmières et des aide-soignantes. De plus, je suis fonctionnaire de la fonction publique hospitalière, donc je ne comprends pas».

Sans oublier que sa direction, les cadres de santé de sa MAS la soutiennent. Juste en face de sa maison d’accueil, se tient un centre hospitalier spécialisé (CHS), « avec à peu près les mêmes profils de population», qui lui bénéficie de la revalorisation du Ségur. Un comble… En accordant cette augmentation au secteur sanitaire et non au médico-social, la crainte d’Ariane est que « plus personne ne voudra travailler chez nous ».

Solidarité

Cette peur, Marie, Kevin, Jennifer et Zoé, éducateurs ou stagiaires, la ressentent aussi. « L’histoire de la revalorisation salariale n’est pas nouvelle, mais nous voyons les choses à long terme : en creusant l’écart entre des éducateurs exerçant dans le sanitaire et ceux exerçant dans le médico-social, nous craignons que les établissements auront de moins en moins de personnel. Et ceux qui en souffriront le plus seront les jeunes », regrette Zoé. Membres de l’association Etienne Marcel, ses collègues et elle se réjouissent en revanche du soutien de leurs collègues du secteur sanitaire.

Car la solidarité était belle et bien présente aujourd’hui. Cathy et Carmen, infirmières depuis 35 ans, toutes deux à l’AP-HP, discutent en écoutant d’une oreille distraite les discours.

Carmen déplore les fermetures de lits qui continuent malgré la crise sanitaire, les conditions de travail toujours pas améliorées et le salaire encore à la traîne des infirmiers français par rapport à la moyenne européenne. « Squizzées et oubliées », voilà comment sont perçues les infirmières, pense-t-elle.

Tandis que Carmen constate un retour au « mandarinat » avec des médecins qui décident de plus en plus de protocoles infirmiers… sans les consulter.

Les doléances sont nombreuses pour les deux infirmières. Sur les revendications du secteur médico-social, Carmen estime que « c’est un secteur qui a été laissé à l’abandon depuis des décennies. Le retard est immense et l’argent n’a pas toujours été saupoudré au bon endroit ».

Delphine Bauer

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Les professionnels des établissements de santé en grève aussi

IADE, IBODE, IDE, AS... Des soignants de tous secteurs sont en grève (souvent assignés) aujourd'hui en France. Ils réclament notamment de meilleures conditions de travail et une revalorisation des grilles indiciaires. 

Pour les IADE, par exemple, "les sources de mécontentement ne manquent pas", indique le SNIA dans un communiqué. "Notre profession de santé doit s'associer à la colère et à la frustration interprofessionnelle qui ne fait que grandir dans les établissements", poursuit le syndicat (voir aussi : Les infirmiers anesthésistes ne veulent pas passer après les infirmiers en pratique avancée)

Même son de cloche du côté de certains IBODE et des infirmiers travaillant au bloc opératoire. "Nous professionnels de bloc, avons été redéployés dans les services, pressurisés à l'entre deux vagues pour rattraper les retards de prise en charge [...] Mais 6 mois après le Ségur, rien n'a changé. Les revendications sur la valorisation salariale, la reconnaissance de la pénibilité, la réingénierie ou encore la NBI, n'ont toujours pas été prises en compte par nos gouvernants. Les élèves IBO sont toujours menacés par cette close des 3 mois de suspension de formation, ce qui les pousseraient à une année blanche! Pouvons-nous accepter cela?", s'insurge le Collectif inter-blocs qui a aussi appelé à la mobilisation.

M.S 

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