Pourquoi les professions médicales intermédiaires sont-elles renvoyées aux calendes ?

Le Ségur de la santé prévoyait la création d’une « profession médicale intermédiaire ». Mais une proposition de loi déposée en ce sens en octobre a déclenché l’ire des soignants, et la majorité considère qu’il est désormais urgent d’attendre.

Pourquoi les professions médicales intermédiaires sont-elles renvoyées aux calendes ?À mi-chemin entre le bac + 3 d’un infirmier et le bac + 10 d’un médecin.

Voilà comment la députée Stéphanie Rist imaginait les professions médicales intermédiaires dans la proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » qu’elle avait déposée à l’Assemblée nationale le 22 octobre dernier.

Cette parlementaire LREM, qui est par ailleurs rhumatologue, ne faisait avec ce texte que concrétiser la mesure 7 du Ségur de la Santé, qui prévoyait justement de confier à l’Ordre des médecins et à celui des infirmiers une réflexion pour dessiner les contours de ce nouveau métier.

Las, la proposition de loi a déclenché une véritable levée de boucliers de la part de tout ce que la France compte de représentants des blouses blanches… si bien que Stéphanie Rist a proposé une nouvelle rédaction de son texte.

Mais revenons aux origines de cette idée. Depuis longtemps, la France cherche les moyens de pallier la pénurie de médecins en confiant certaines tâches médicales à d’autres professionnels. C’est ce qui se passe dans d’autres pays, avec par exemple les nurse practitioners aux États-Unis, et c’est le sens des différents rapports rédigés par le Pr Yvon Berland entre 2003 et 2011 (voir par exemple le dernier ici) : ceux-ci ont notamment donné lieu à la création des infirmiers Asalée et on peut y voir les prémisses des Infirmiers en pratique avancée (IPA).

C’est pour accélérer ce processus que le Ségur entendait « lancer une mission de réflexion, associant les ordres professionnels et en concertation avec l’ensemble des acteurs, sur la création d’une nouvelle profession médicale intermédiaire, en milieu hospitalier ».

L’article 1 de la proposition de loi de Stéphanie Rist se bornait d’ailleurs à préparer le terrain pour pouvoir intégrer rapidement les conclusions de ladite mission, indiquant qu’un décret en Conseil d’État fixerait les domaines d’intervention et les conditions d’exercice de la profession intermédiaire d’après un rapport des conseils nationaux de l’ordre des médecins et des infirmiers, ainsi qu’après un avis de l’Académie nationale de médecine.

Bronca ordinale

Seul hic : l’Ordre des médecins ne fait pas preuve d’une grande coopération sur ce sujet. Il « ne conduira pas en l’état la mission exploratoire, et demande au ministre des Solidarités et de la Santé d’engager une réflexion préliminaire », précisait-il dans un communiqué le 13 novembre dernier. L’Ordre infirmier se montre plus circonspect : contacté par ActuSoins, il déclare s’en tenir aux conclusions du Ségur, soulignant qu’il « ne s’agit que d’un projet dont tous les contours restent à définir ».

Reste que l’un des principaux intéressés demandant une réflexion préliminaire avant le lancement d’une mission de réflexion, la profession intermédiaire n’a que peu de chances de voir le jour rapidement.

Et ce d’autant plus que les syndicats de médecins libéraux s’étaient dans un communiqué unitaire déclarés fermement opposés à son avènement, de même que les paramédicaux de la Fédération française des praticiens de santé (FFPS), qui rassemble, entre autres, les syndicats d’infirmiers libéraux.

Entre autres griefs, les soignants soulignaient qu’avec les IPA, le gouvernement disposait déjà d’une piste pour élargir le champ de responsabilité des paramédicaux, et qu’il n’était nul besoin d’ajouter un nouveau métier.

Arrière toute !

Stéphanie Rist n’avait donc pas d’autre solution que de faire marche arrière. « Puisque l’ordre des médecins ne souhaite pas faire la mission, l’article n’a plus de sens, et nous avons proposé une nouvelle écriture », déclare la députée à ActuSoins.

Celle-ci précise que cette nouvelle rédaction permettra de « faire évoluer les métiers, notamment dans le cadre des protocoles de coopération », et que la proposition de loi sera examinée le 25 novembre en commission des Affaires sociales, avant un examen en séance la semaine du 30 novembre.

Elle assure par ailleurs que la profession médicale intermédiaire n’est pas enterrée pour autant : elle veut croire que l’opposition des professionnels n’était due qu’au timing de sa proposition de loi, qu’ils auraient voulu ne voir intervenir qu’après la mission ordinale. « Maintenant que l’article est modifié, j’espère bien que la mission se tiendra », soutient-elle, affirmant notamment qu’elle espère que celle-ci sera justement en mesure de clarifier l’articulation entre le nouveau métier et les IPA.

« Pour moi, les IPA pourraient entrer dans le cadre de la profession intermédiaire, mais c’est aussi le cas de l’ensemble des auxiliaires médicaux », précise-t-elle. De belles prises de bec en perspective.

Adrien Renaud

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