A l’hôpital, le soin en méditant

Depuis plusieurs années le CHU de Nîmes et d’autres hôpitaux de la région utilisent la méditation de pleine conscience comme complément thérapeutique de différentes pathologies. Le personnel soignant est formé. La Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes propose un DU à ceux qui veulent utiliser cette approche pour leurs patients et pour eux-mêmes. Article paru dans le n°34 d’ActuSoins Magazine (septembre 2019).

Soulager certains maux par la méditation. La pratique est officielle depuis plusieurs années déjà, dans certains hôpitaux français.

Cette Mindfulness based stress méditation, ou méditation de pleine conscience pour réduire le stress (MBSR), s’appuie sur la respiration.

« On se connecte à elle en prenant conscience de l’inspiration et de l’expiration, et ce travail est fondamental », résume le professeur Tu Anh Tran, chef du service pédiatrie et du service femme-enfant au CHU de Nîmes qui utilise cette approche avec ses patients, depuis une dizaine d’années.

L’« art de faire silence en soi » recentre sur le moment présent. Cette pratique simple qui peut se dérouler assis, allongé ou en marche, a pour effet de ramener le calme intérieur en abaissant les médiateurs du stress.

« Toutes les maladies créent du stress », confie le professeur. « Lorsqu’on médite, on développe la zone du cerveau où siègent les idées agréables ou positives », explique-t-il.

Réduire le stress

La plupart des hôpitaux qui ont intégré la MBSR à leur panel de soins, l’ont réservée principalement à la psychiatrie pour traiter la dépression, l’angoisse, l’anxiété, le mal être, ou encore le burn-out.

« C’est une carte supplémentaire très efficace pour apprendre aux gens à être autonomes dans leur gestion du stress », confirme Célestin Bandeira, cadre de santé, au pôle psychiatrie adolescent du CHU de Nîmes.

Dans ce CHU, centre de compétences des maladies inflammatoires et rhumatologiques de l’enfant, une spécialité du professeur Tran, la méditation est proposée pour soigner les jeunes patients présentant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) mais aussi ceux atteints de maladies ou de douleurs chroniques, de troubles du sommeil ou de phobies.

Le CHU de Nîmes est, de fait, l’un des premiers hôpitaux français à avoir proposé la pratique de la MBSR à des patients atteints de maladies organiques. « Le premier effet positif de la méditation est de prendre la personne dans sa globalité, plutôt que de soigner le corps de manière morcelée  », rappelle Tu Anh Tran.

Elle permet de comprendre comment fonctionnent la psyché (esprit) et le soma (corps) en interaction permanente, dans les maladies auto-immunes et inflammatoires par exemple.

« La première chose à faire c’est déstresser », martèle le professeur. Réduire ce stress, en méditant, avec, pour autre vertu, durable, de rendre le système immunitaire plus efficace.

Un programme d’éducation thérapeutique

Le département de médecine vasculaire du CHU de Montpellier, centre de référence du lymphœdème, va, lui, initier un programme d’éducation thérapeutique sur la gestion du stress par la méditation destiné à des enfants atteint de lymphœdème.

« Un enfant avec un membre difforme, à vie, souffre en même temps d’un mal-être énorme », note Virginie Soulier-Sotto, angiologue, qui travaille en binôme avec une kinésithérapeute formée, comme elle, à la méditation.

« Apprendre à méditer ne supprime pas cette pathologie mais la pratique a des conséquences positives sur la qualité de vie de ces jeunes patients qui se sentent compris et plus seuls », note le médecin.

La méthode est valable à tous les âges de la vie, depuis la pédiatrie jusqu’à la gériatrie et aux soins palliatifs. Et l’engouement, croissant, s’appuie sur des preuves. « Le bien-fondé de la méditation et  de son application sont validés scientifiquement et cliniquement par de nombreuses études, en premier lieu, aux Etats-Unis ou au Canada », rappelle le professeur Tran.

La première expérimentation importante a été menée sur l’hypertension, par un cardiologue de l’université d’Harvard. Parmi les effets constatés : une diminution de la pression sanguine, du taux de cholestérol et de l’anxiété.

Une autre étude validée il y a une trentaine d’année, montre une réduction de 44% des consultations médicales chez les « méditants ». « Un programme de méditation a une influence positive sur le système immunitaire car il permet de réguler le centre cérébral des émotions. »

Des soignants adeptes

Amener ses patients à la méditation est toutefois une démarche plutôt exigeante. Les soignants doivent en avoir fait l’apprentissage et pratiquer eux-mêmes quotidiennement. « C’est indispensable mais tout le monde n’est pas à même de porter un tel projet», note le professeur Tran.

Célestin Bandeira y voyait une pratique tendance, plutôt « bobo ». Dorénavant il reconnaît : « c’est pensé, les gens qui se forment sont volontaires et assidus malgré les contraintes. Cette méthode peut aider tout le monde. » Comme Chrystèle, par exemple, infirmière à l’hôpital psychiatrique de Montfavet. La soignante travaille à temps plein dans une unité qui accueille des patients handicapés psychiques, en psychose évolutive ou avec des troubles récurrents du comportement. Sa pratique de la méditation lui a permis d’accepter l’impermanence et le manque d’assise du projet de structure. « Cela permet de rester soignant avec les patients accueillis, l’important c’est le présent avec eux. »

Cet hôpital de jour vit sur deux registres – sanitaire et médico-social – et a du mal à préciser son projet. « Nous vivons une instabilité permanente qu’il s’agisse d’orientation et de projet médical et cela crée un vrai malaise car nous sommes soignant pas éducateur ni éducateur spécialisé », confie l’infirmière.

Brigitte Quignon, psychologue à Avignon est instructeur du programme de pleine conscience, à Montfavet, auprès de groupes de trente personnes, infirmiers, aides soignants et personnel administratif.

« Ce dernier aussi est sujet au stress et il est partie prenante du bon fonctionnement de la structure  », fait-elle observer. « Il y a un véritable mieux être parce qu’ils ont appris à réagir de façon plus adaptée vis-à-vis d’un collègue, d’un patient, d’une famille ou de l’équipe. »

Reste qu’après le programme, généralement destiné à mettre en place des groupes de méditation avec des patients ou l’entourage professionnel, il faut continuer à pratiquer, et ce n’est pas forcément évident. « Il y a au minimum, une prise de conscience », note la psychologue.

Myriem Lahidely

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Cet article est paru dans le n°34 d’ActuSoins Magazine (septembre-octobre-novembre 2019)

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Méditer, cela s’apprend

Après Strasbourg et avant Paris, Toulouse ou Lyon, la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes propose depuis 2017-2018 un diplôme universitaire (DU) «  méditation et santé » aux personnels soignants, soit 144 heures sur un an pour trente à quarante inscrits (beaucoup d’infirmiers, des médecins généralistes ou spécialistes, psychiatre psychologues, sophrologue, kinés…)

« Cette formation implique aussi une pratique régulière et un projet qui intègre la méditation dans son milieu de soin »,précise le professeur Tran. Pour accéder au DU, il faut en outre comme prérequis, une initiation de huit semaines à la méditation MBSR ou une pratique approchante validée par l’équipe pédagogique.

Pour aller plus loin :

Formation DPC Burn Out et Méditation de pleine conscience

Formation Mindfulness : Introduction à la méditation en pleine conscience

Initiation à la méditation de pleine conscience au service du soin

Devenez praticien en Mindfulness – Cursus de Méditation en pleine conscience

Formation – Pleine conscience : 100% de temps pour soi