Les infirmiers libéraux peinent à se fournir en matériel de protection

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Si la crise sanitaire a mis en lumière les difficultés des professionnels du public, qu’en est-il des infirmiers libéraux ? Alors qu’une seconde vague pourrait se profiler, ils peinent à se fournir en matériel de protection et ne comprennent pas le désengagement de l’État.

Augmentation du coût des EPI, désengagement de l’État, infirmiers libéraux fatigués…

La rentrée ne sera pas de tout repos pour les IDEL. A commencer pour Antoinette Tranchida, présidente de l’ONSIL (Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux). Malgré un planning chargé, cette dernière a pris le temps de mener son enquête.

Pas de doute, les prix des masques, surblouses et surtout gants ont flambé. « Avant la crise, les masques chirurgicaux coûtaient 10 centimes la pièce. Aujourd’hui, c’est 0,38 centimes soit 280 % d’augmentation ! », affirme-t-elle.

Selon ses calculs,  les gants vinyle ont pris 30 %, les gants nitrile 12 %, et les masques FFP2 coûtent désormais 2 euros pièce. Sans oublier que « beaucoup de ces produits ne sont carrément pas disponibles. Nous devons passer du temps à trouver des prestataires ».

Alors quand elle a pris connaissance de la directive de la DGS qui demande aux professionnels de santé libéraux de constituer des stocks de trois semaines d’avance pour être prêts début octobre – signe du désengagement de l’État –  son sang n’a fait qu’un tour. « Moi je veux bien payer du matériel, cela fait partie de mon métier, mais il ne faut pas que le coût soit supérieur à celui des soins réalisés », s’inquiète-t-elle.

D’après ses calculs toujours, pour un prélèvement PCR facturé 13,23 euros bruts, « le coût du matériel revient à environ 4,60 euros ». Une proportion énorme pour elle, et intenable sur le long terme.

Ce qu’elle souhaiterait? « Que la DGS garantisse les tarifs d’avant la crise… Sinon il faudra aussi augmenter nos tarifs ». Un vœu pieux pour l’instant.

L’explosion du prix des EPI

Contacté, Daniel Guillerm, président de la FNI (Fédération nationale des infirmiers), estime lui aussi que la rentrée va se faire dans de mauvaises conditions, alors que les libéraux « ont été les seuls professionnels à se déplacer chez les patients malgré les pénuries de matériel ».

Des pénuries qui perdurent aujourd’hui, malgré des alertes lancées dès avril où il avait prévenu du manque de gants en latex. Cette déception de voir l’État se désengager de la gestion des stocks ne « va pas pousser les IDEL à donner toujours plus pour recevoir toujours moins ».

Comme Antoinette Tranchida, il regrette « l’impossibilité de répercuter le coût des équipements ». Selon ses calculs, réalisés sur le modèle d’un cabinet à l’activité pleine, faisant le plein de tournées, le surcoût par professionnel des EPI complets (charlotte, surblouse, gel, gants latex…) se monte à 700 euros mensuels. Ce qui n’est « pas rien », d’autant plus qu’ « on nous demande de prendre toutes ces précautions et de ne pas devenir des vecteurs de contamination supplémentaires, d’où l’obligation de changer de matériel à chaque utilisation. »

Mais son constat est le même que celui d’Antoinette Tranchida : « certains types de matériel sont désormais quasi introuvables, comme les gants, ce qui pousse à économiser le matériel, à organiser des tournées spécifiques, à gérer ses stocks en mode pénurie, et à en rechercher là où l’on peut en trouver ».

Bref, à trouver de nouvelles stratégies. Sans compter que les prix continuent d’augmenter de manière exponentielle, signe de l’échec apparent de la cellule achat mise en place par la DGS qui ne semble pas avoir réussi à maîtriser la filière d’approvisionnement.

Pour Catherine Kirnidis, la présidente du SNIIL (Syndicat nationale des infirmières et infirmiers libéraux), le calcul de ce surcoût atteindrait plutôt 300 euros mensuels par infirmier, mais la crainte est la même que pour Daniel Guillerm : la fragilisation de certaines situations professionnelles. Mais c’est surtout la preuve, à ses yeux, que l’engagement de la profession pendant la crise du covid n’a pas du tout été « valorisé », alors même qu’elle insiste sur la détermination des IDEL, derniers professionnels de santé à se rendre au chevet des malades.

Les conséquences, Daniel Guillerm les entrevoit déjà : il craint des infirmiers, épuisés, qui pourraient « démissionner devant leurs obligations».

Catherine Kirnidis a pris aussi la température au sein des adhérents du SNIIL. Le constat est amer… et unanime. « Leur sentiment est qu’ils sont allés au charbon, qu’ils ont mis la main à la pâte comme à la poche. Mais en cas de deuxième vague, ils ne le referont pas », assure-t-elle.

Delphine Bauer

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