Auprès des adolescents, à la Clinique Edouard Rist

Au sein du service de médecine interne de l’adolescent de la Clinique Edouard Rist, dans le 16earrondissement de Paris, les adolescents, hospitalisés pour des pathologies chroniques douloureuses, bénéficient également d’un suivi pédagogique dispensé par l’Education nationale. Article paru dans le n°34 d'ActuSoins Magazine (septembre 2019).

Auprès des adolescents, à la Clinique Edouard Rist

© Ayoub Benkarroum

Pierre, quatorze ans, diabétique et hospitalisé à la Clinique Edouard Rist (1), court sur un tapis de course.

Il s’échauffe pour sa séance d’activité physique adaptée (APA).

Au programme aujourd’hui : basketball. Il doit marquer des paniers sinon, il a droit à un gage. Et cela ne manque pas : dix pompes ! « Nous adaptons les exercices en fonction des pathologies de chacun, explique Clarisse, enseignante en activité physique adaptée (EAPA). Nous faisons en sorte de les remuscler, de leur faire prendre de la force, de l’endurance. »

« Notre travail recouvre également un champ social non négligeable car si l’adolescent a longtemps été isolé en raison de sa pathologie, nous pouvons le resociabiliser en organisant des jeux en groupe », ajoute Laura, également EAPA.

Au cours de l’hospitalisation, elles constatent les progrès de leurs patients dont elles partagent la prise en charge avec les autres professionnels du service : infirmiers, médecins, aides-soignants, psychologues, kinésithérapeutes et psychomotriciennes.

Ils se réunissent, une fois par semaine, en staff pour évaluer les bénéfices des soins et les réajuster, le cas échéant. « Nous avons besoin des avis des uns et des autres, notamment pour faire attention aux contre-indications et pour s’assurer de l’état d’esprit des adolescents, rapporte Clarisse. Ce sont nos regards croisés qui permettent d’avancer au plus juste dans le prendre soin de l’adolescent. »

Des adolescents en mal-être

Pierre est diabétique. Hospitalisé à la clinique, il commence son échauffement sur un tapis de course en vue de sa séance d'activité physique adaptée

Pierre est diabétique. Hospitalisé à la clinique, il commence son échauffement sur un tapis de course en vue de sa séance d'activité physique adaptée. © Ayoub Benkarroum

« Les adolescents de douze à dix-huit ans sont adressés par des services hospitaliers car ils sont en échec de suivi ambulatoire », explique Sylvie Moreau, cadre de soins du service. Ils sont, pour certains, atteints de maladies invalidantes chroniques (diabète de type 1, pathologies rhumatologiques, suite de greffe d’organe, drépanocytose) et, pour d’autres, atteints de douleurs chroniques associées à une déscolarisation ».

Ces adolescents bénéficient alors d’une hospitalisation au sein de la clinique, dans le cadre d’un projet « soins/études » axé sur l’évaluation et le traitement de leur maladie ainsi que sur la poursuite de leur scolarité.

Le service est composé de trente lits répartis sur deux étages. « Généralement, ces jeunes sont malades depuis l’enfance, donc sous traitement depuis leur plus jeune âge, explique Sylvie Moreau. Arrivés à l’adolescence, ils sont en rébellion, comme beaucoup d’adolescents, et présentent des signes de non compliance au traitement. Ils peuvent alors être en conflit avec leur famille ou avoir des  absences à l’école. »

Cette prise en charge leur permet de prendre de la distance avec leur milieu familial et scolaire et de recevoir de l’aide. « Pour un adolescent, ne pas prendre son traitement équivaut à ne pas être malade, explique le Dr Anne Tonelli, chef du service. Lorsqu’ils arrivent à la clinique, ils ont généralement des difficultés de compliance thérapeutique. Nous intervenons, à ce moment de leur vie, afin de faire en sorte qu’ils aillent mieux, qu’ils acceptent leur maladie et qu’ils retrouvent une estime d’eux-mêmes. »

Hospitalisés avec des jeunes du même âge, ils se rendent aussi compte qu’ils ne sont pas les seuls à être malades. A force d’échange et de partage, ils reprennent confiance en eux. Les adolescents sont généralement pris en charge pour trois mois renouvelables.

Le rôle clef des infirmières

Les infirmières peuvent leur suggérer des séances de musicothérapie afin de réduire leur ressenti de la douleur ou encore leur stress

Des alternatives aux médicaments sont proposées aux adolescents pour leur permettre de se sentir mieux. Les infirmières peuvent leur suggérer des séances de musicothérapie afin de réduire leur ressenti de la douleur ou encore leur stress. © Ayoub Benkarroum

Pour les aider à reprendre confiance en eux, les infirmières du service ont un rôle de premier plan, en coordination avec les autres professionnels soignants. De jour, comme de nuit, elles travaillent en binôme avec un aide-soignant.

Parmi elles, Sarah, diplômée depuis un an environ. « J’ai postulé au sein du service pour exercer avec des enfants et des adolescents, car le contact est différent avec eux et c’est ce que je recherchais », témoigne-t-elle.

Pour sa collègue Péroline, au sein du service depuis bientôt trois ans, c’est le double aspect soin et scolarité qui l’a séduite ainsi que la prise en charge pluridisciplinaire. « J’apprécie de créer une relation sur le long terme avec les adolescents. Nous les voyons évoluer pendant plusieurs mois. Tout l’art de travailler dans ce service est de trouver la bonne distance avec eux. L’expérience aide, tout comme la transmission du savoir entre collègues. »

Les infirmières possèdent un rôle sur prescription pour tout ce qui relève des soins techniques comme les pansements, les prises de sang, les prélèvements... « Nous avons aussi un rôle propre pour la prise en charge de la douleur, indique Sarah. Si les médicaments ne sont pas efficaces, nous allons chercher une alternative en concertation avec l’équipe médicale. »

Elles peuvent par exemple proposer de la musicothérapie, par le biais de Music Care, outil auquel elles ont été formées. « La musicothérapie permet de gérer la douleur des patients de manière générale ou lors des soins, mais aussi leur stress lorsqu’ils ont des examens scolaires à passer ou encore en cas de troubles de l’endormissement »,explique l’infirmière. Plusieurs thèmes sonores sont proposés à l’adolescent, qui va alors mettre un casque et se concentrer sur le son pour se détendre.

Les infirmières peuvent aussi utiliser le Meopa, mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote qui a un effet antalgique et anxiolytique. « Nous le proposons aux patients pour les soins douloureux ou, s’ils ont des douleurs, afin de les diminuer », indique Sarah.

Un rôle relationnel

Sylvie Moreau est la cadre de soins du service

Sylvie Moreau est la cadre de soins du service. © Ayoub Benkarroum.

Les infirmiers endossent également un rôle relationnel et éducationnel vis-à-vis des patients. « Elles interviennent sur beaucoup d’autres aspects comme la compréhension des adolescents », fait savoir Sylvie Moreau. « Nous travaillons beaucoup sur l’acceptation de la maladie, indique Péroline. Nous leur expliquons que rester dans leur lit, lorsqu’ils ressentent des douleurs, n’est pas forcément la meilleure des solutions. Nous avons tout un travail de confiance à instaurer entre eux et nous. Une fois que cette confiance est gagnée, cela contribue à retrouver une alliance thérapeutique. »

Les infirmiers échangent au quotidien avec les autres professionnels de santé. « C’est indispensable car cela interfère sur notre prise en charge, souligne Péroline. En discutant avec les autres soignants, nous pouvons nous rendre compte si les patients adoptent des comportements différents en fonction des personnes qui s’occupent d’eux. Ce sont des adolescents, ils testent le cadre, les limites, cherchent les failles... C’est tant mieux car c’est un signe que la maladie ne prend pas le pas sur leur adolescence. »

Les infirmières échangent aussi avec les représentants de l’Education nationale : « les enseignants sont tenus informés des pathologies des adolescents et de leur évolution, rapporte Sarah. La conseillère principale d’orientation (CPE) peut nous contacter au sujet du comportement d’un adolescent en cours ou pour savoir pourquoi l’un deux n’est pas en classe. Parfois, c’est justifié, notamment lorsque la douleur est trop forte à supporter, mais ce n’est pas toujours le cas. »

La reprise des cours

Particularité de la Clinique edouard rist : permettre aux adolescents de bénéficier d'un suivi pédagogique dispensé par l'Education nationale

Particularité de la Clinique : permettre aux adolescents de bénéficier d'un suivi pédagogique dispensé par l'Education nationale. Le suivi des cours fait partie intégrante de leur prise en charge. Les classes sont à petit effectif afin d'offrir un suivi adapté à chacun. © Ayoub Benkarroum.

Suivre des cours dispensés par des professeurs de l’Education nationale fait partie intégrante de la prise en charge des adolescents à la clinique. « Les enseignements ont lieu du CE2 à post-bac », souligne Laura Da Cruz, la CPE. Les classes sont à petit effectif, ce qui permet un suivi adapté à chacun, facilite la compréhension et permet de rattraper le retard des élèves plus rapidement.

La clinique est aussi un centre d’examen pour le brevet et le baccalauréat, une offre rassurante pour les élèves, notamment ceux atteints de phobie scolaire. Ils peuvent passer des examens dans un cadre qu’ils connaissent, avec des effectifs plus restreints.

« Les enseignants sont habitués à entendre le malaise et le mal-être de ces adolescents, explique Sylvie Moreau. Les études font partie du soin, servent d’encrage dans la réalité et permettent aux élèves de trouver une identité scolairequ’ils avaient perdu, du fait de l’isolement généré par la maladie. »

« Nous sommes vraiment dans l’individualisation de la prise en charge, renchérit Laura Da Cruz. Les adolescents ont un emploi du temps adapté en fonction de leurs besoins médicaux et scolaires. » Néanmoins, ce sont toujours les besoins médicaux qui priment. En milieu ordinaire, leur pathologie n’était pas prise en compte. Ici c’est la priorité !

Laure Martin

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(1) L’établissement fait partie, comme douze autres structures, de la Fondation Santé des Etudiants de France (FSEF).

 

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article est paru dans le n°34 d'ActuSoins Magazine (septembre-octobre-novembre 2019)

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