C’est quoi un Groupe homogène de malades ?

Souvent associés à la Tarification à l’activité (T2A), les Groupes homogènes de malades (GHM) sont bien plus qu’un outil utilisé par les hôpitaux pour facturer leurs prestations à l’Assurance maladie. Plongée dans l’univers du codage des actes : un monde aride, mais qui recèle des opportunités insoupçonnées pour les infirmiers.

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Dans un hôpital, il y a souvent un service nimbé de mystère : le Département d’information médicale (DIM). C’est lui qui, par sa maîtrise de la science quelque peu ésotérique du codage, permet de faire entrer l’argent dans les caisses de l’établissement.

Contrairement à la majorité du personnel hospitalier, les professionnels qui y travaillent sont plus souvent en contact avec un écran d’ordinateur qu’avec un patient. Autre signe distinctif : ils manient avec aisance les Groupes homogènes de malades (GHM), concept qu’on regarde ailleurs avec une certaine perplexité.

« Sans les GHM, on serait incapables de décrire l’activité de l’hôpital autrement qu’en donnant le nombre d’entrées ou le nombre de journées d’hospitalisation, ce qui est bien pauvre », explique le Dr Gabriel Nisand, chef du pôle de santé publique du CHU de Strasbourg, qui vient de quitter la présidence de la Société francophone de l’information médicale (Sofime).

Et ce médecin DIM tient à lever d’emblée toute ambiguïté : GHM et Tarification à l’activité (T2A) sont liées, mais ils ne sont pas indissociables. « Il y avait des GHM avant la T2A », remarque-t-il. « Et si jamais nous abandonnons un jour la T2A, les GHM resteront. »

Un gros manuel de 2300 classes

Concrètement, les GHM se présentent comme une classification de l’ensemble des cas qui peuvent être pris en charge à l’hôpital, décrite dans un lourd manuel en trois volumes régulièrement mis à jour. « Il y a 800 racines (par exemple « appendicectomie », ou « césarienne »…), déclinés en quatre niveaux de sévérité possibles, ce qui donne en tout 2300 classes », décrit Gabriel Nisand. 2300 classes, cela peut paraître beaucoup, mais c’est beaucoup moins que les quelque 15 000 diagnostics de la Classification internationale des maladies (CIM) établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), par exemple. C’est ce qui rend les GHM plus maniables au sein des hôpitaux.

« Les GHM ont à la fois une cohérence médicale et une cohérence économique, ce qui fait qu’ils ont du sens à la fois pour les gestionnaires et pour les professionnels de santé », se félicite Gabriel Nisand. « Cela nous permet d’avoir une richesse de description épidémiologique sans précédent. »

Agrégées dans le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), les données sur les GHM permettent de piloter le secteur hospitalier, d’identifier où se trouvent les besoins, de répartir les équipes… Mais bien sûr, leur intérêt va au-delà de la simple description statistique : à chaque GHM correspond un Groupe homogène de séjour (GHS), c’est-à-dire un tarif qui lui est affecté dans le cadre de la T2A.

Un enjeu financier… tout de même

Voilà pourquoi les GHM sont souvent considérés à l’hôpital comme le nerf de la guerre. « Dans certains cas, le tarif associé à un GHM peut varier de 1 à 6 en fonction du niveau de sévérité, et notamment en fonction de la présence de diagnostics associés significatifs en plus du diagnostic principal », révèle Gabriel Nisand. « L’enjeu du codage de ces diagnostics associés est donc énorme, et peut se chiffrer à plusieurs millions d’euros par an dans un hôpital comme le mien. »

Si dans certains établissements, les équipes de soins codent elles-mêmes leur activité, d’autres préfèrent confier cette tâche stratégique à des professionnels spécialisés. Et c’est là que la question devient particulièrement intéressante pour les infirmiers, car leur formation fait d’eux des recrues idéales pour effectuer un codage de qualité.

« Dans mon établissement, 25 infirmiers ont pu continuer leur carrière en effectuant un repositionnement professionnel dans le codage des diagnostics », raconte Gabriel Nisand. « Ces personnes avaient le dos cassé, avaient été récusées par la médecine du travail, et elles effectuent désormais un travail fantastique : elles peuvent, bien plus que par exemple une secrétaire médicale, aller regarder le plan de soins, scruter les dossiers médicaux pour trouver le bon codage, celui qui, tout en restant juste, optimise les recettes pour l’établissement. »

Voilà qui, à l’heure où le gouvernement cherche des solutions pour améliorer les fins de carrière des infirmiers à l’hôpital, pourrait donner des idées à certains.

Adrien Renaud

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