Oxygénothérapie : administrer de l’oxygène en ventilation spontanée

L’oxygénothérapie consiste en un apport d’oxygène dans un but thérapeutique. L’objectif principal est de favoriser une meilleure oxygénation sanguine et de traiter ou prévenir une hypoxie tissulaire, notamment en cas d’insuffisance respiratoire aiguë ou chronique. Dans cette première partie, nous rappellerons les grands principes de l’oxygénothérapie et détaillerons la préparation et la surveillance du patient ainsi que les précautions d’emploi. Dans un prochain article, nous aborderons les principaux modes d’administration : des lunettes à oxygène à l'oxygénothérapie à haut débit.

Oxygénothérapie : administrer de l’oxygène en ventilation spontanée

Reportage au CHU Charles Nicolle à Rouen. Service de pneumologie. © Chassenet / BSIP

Dans les conditions normales de température et de pression, l’oxygène (O2) est un gaz incolore, inodore qui constitue 21 % de l’air atmosphérique ou « air ambiant » (en plus de 78 % d’azote et 1 % de gaz rares).

D’un usage très fréquent dans les établissements de soins, l’O2 est légalement considéré comme un médicament et son utilisation nécessite une prescription médicale. Celle-ci doit comporter : le débit (en litres/ min), le dispositif d’administration (lunettes, masque haut concentration, optiflow…), la durée du traitement.

En ventilation spontanée, l’oxygénothérapie (O2th) consiste à administrer de l’O2 au niveau des voies aériennes d’un patient, avec une concentration plus élevée (FiO2 : fraction inspirée en oxygène, exprimée en pourcentage) que celle présente dans l’air ambiant (21 %) par l’intermédiaire de lunettes, masque à O2, masque à haute concentration (MHC) ou optiflow.

L’objectif principal est d’améliorer, de favoriser une meilleure oxygénation sanguine (hypoxémie) et de traiter ou prévenir une hypoxie tissulaire (souffrance tissulaire).

Le débit d’O2 délivré et l’interface utilisé sont fonction du contexte clinique et paraclinique (gaz du sang), des antécédents du patient. Il n’y a pas de contre-indications formelles à l’oxygénothérapie mais des effets secondaires potentiels sont à surveiller et des précautions d’usage à respecter.

Oxygénothérapie : rappels de notions essentielles

La ventilation et la respiration

La ventilation pulmonaire désigne les mouvements respiratoires et la capacité de nos poumons à renouveler l’air afin d’apporter constamment d’un air riche en O2.

La respiration désigne à la fois les échanges gazeux alvéolo-capillaires (absorption d’O2 et rejet de CO2) et la respiration dite cellulaire qui permet, en dégradant le glucose grâce à l’O2, de produire de l’énergie.

Le transport de l’O2 et du CO2

L’O2 et le CO2 sont transportés par la circulation sanguine des poumons vers les tissus et des tissus vers les poumons. Le sang fixe l’O2 puis le CO2 de manière réversible sous l’influence d’un gradient de pression partielle.

L’O2 est transporté essentiellement sous forme combinée (97 %) liée à l’hémoglobine (mesurée par la SpO2 en %) et sous forme dissoute (3 %) dans le plasma et le cytoplasme des GR (mesurée par la PaO2 pression partielle en O2, exprimée en mmHg). L’O2 dissous est la seule forme échangeable et utilisable par les cellules. Le CO2 est transporté sous forme dissoute (5-10 %) mesurée par la PaCO2 (en mmHg) et sous forme combinée (90-95 %) :

  • après réaction chimique sous forme de bicarbonates dans le plasma (60-65 %),
  • liée à l’hémoglobine (30 %).

Ne pas confondre la SpO2, la SaO2 et la PaO2

  • SpO2 (saturation « pulsée ») : permet la mesure de la saturation de l’hémoglobine en oxygène par voie transcutanée grâce à un oxymètre de pouls (95-99 %)
  • SaO2 : permet la mesure de la saturation de l’hémoglobine en oxygène par prélèvement de sang artériel. C’est la seule mesure réellement fiable (sup à 95 %)
  • PaO2 : c’est la pression partielle exercée par l’O2 dissout dans le sang artériel (80-90 mmHg)

L’hypoxémie et l’hypoxie

L’hypoxémie est définie par la baisse de la PaO2 (taux d’O2 dissous dans le sang) en dessous de sa valeur normale (inférieure à 60 mmHg). La survenue d’une hypoxémie n’est pas forcément synonyme d’une hypoxie tissulaire. L’hypoxie tissulaire est quant à elle définie par la baisse de l’apport d’O2 aux tissus, par rapport à leurs besoins à un moment et sous une contrainte donnée.

L’apport d’O2 aux tissus dépend de la ventilation alvéolaire, de la qualité des échanges gazeux, de son transport et du niveau de son extraction tissulaire. L’hypoxie tissulaire survient en moins de quatre minutes en cas de défaillance d’un de ces éléments, les réserves en oxygène étant très limitées. Dans le cas d’un défaut de transport (choc hémorragique par exemple), l’augmentation isolée de l’apport d’oxygène par voie exogène (O2th) ne suffira pas à elle seule à corriger l’hypoxie tissulaire. Le traitement de l’étiologie (transfusion) devra dans tous les cas être initié et associé à l’oxygénothérapie.

Principaux exemples d’hypoxie tissulaire

Hypoxémie artérielle

Défaut du système de transport d’O2

• Pression inspirée en O2 faible (haute altitude, confinement) ;
• Hypoventilation alvéolaire par :
- dépression des centres respiratoires d’origine médicamenteuse, neurologique (Guillain Barré, myasthénie),
- atteintes des muscles respiratoires,
- lésions de la cage thoracique,
- obstruction voies aériennes (apnée du sommeil, mort subite du nourrisson) ;
• Troubles de la diffusion (pneumopathies interstitielles fibrosantes) ;
• Anomalies des rapports ventilation/perfusion avec effet shunt et effet espace mort (asthme aigu grave, atélectasies, pneumonie, embolie pulmonaire).
• Perfusion tissulaire inadéquate ; (choc septique, cardiogénique, hypovolémique) ;
• Anémie ;
• Anomalies congénitales ou acquises de l’Hb (drépanocytose, thalassémie…) ;
• Altérations métaboliques spécifiques avec blocage de l’utilisation cellulaire d’O2 (intoxication au cyanure…).

L’insuffisance respiratoire chronique (IRC)

L’IRC se définit cliniquement par l’incapacité de l’appareil respiratoire à assurer une hématose correcte (PaO2 inférieure à 70 mmHg, PaCO2 supérieure à 45 mmHg), permettant, en ventilation spontanée et en air ambiant, de satisfaire les besoins métaboliques de l’organisme en toutes situations physiologiques. Elle correspond au stade terminal de toute pathologie respiratoire chronique. 90 % des IRC sont la conséquence d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). L’oxygénothérapie de longue durée à faible débit fait partie du traitement de l’IRC grave (PaO2 < 60mmHg).

Indications de l’oxygénothérapie (O2th)

Elle est indiquée dans le traitement de l’hypoxie et de l’hypoxémie ou chez les patients susceptibles de développer une hypoxie.

Au cours de la détresse respiratoire aiguë comme au cours d’une décompensation aiguë chez un IRC, l’O2th est indiquée chez l’adulte quand la PaO2 est inférieure à 70 mmHg (valeur retenue pour l’IRC) et/ou la SpO2 est inférieure à 90 %, ou lorsque leurs valeurs sont inférieures à celles souhaitées, dans une situation donnée. La réalisation de gaz du sang permet aussi d’évaluer la PaCO2 et l’équilibre acido-basique.

En cas de troubles de conscience, de grande instabilité hémodynamique, ou si le patient n’est plus capable de maintenir une ventilation alvéolaire efficace (épuisement), il faut envisager l’intubation orotrachéale (IOT) et la ventilation mécanique afin de corriger l’hypoxémie/hypoxie.

En préhospitalier, pour une pathologie médicale ou chirurgicale mettant en jeu le pronostic vital, l’O2th est administrée de manière systématique chez le patient pris en charge par des ambulanciers, des pompiers ou secouristes (leur formation les autorisant à utiliser l’O2).

Chez ces patients, les protocoles actuels d’oxygénothérapie privilégient, en l’absence de prescription médicale et de possibilité de surveillance de la SpO2, la mise en route d’une oxygénothérapie à haut débit (> 15 l/min), au MHC, y compris chez des patients IRC. En effet, le risque de survenue d’un arrêt cardio-circulatoire hypoxique est plus important chez l’IRC et son occurrence plus rapide, que la majoration de l’hypercapnie. En cas de monitorage de la SpO2, l’objectif sera dans tous les cas d’obtenir une SpO2 > 90 %.

Faut-il humidifier l’O2 en ventilation spontanée ?

Physiologiquement, lors de la ventilation spontanée, le nez et les voies aériennes supérieures réchauffent et humidifient l’air inspiré (75 %) et le saturent en vapeur d’eau, les 25 % restants le seront par la trachée. Lorsque cet air inspiré atteint les poumons, il est à température du corps (37°) et saturé (44 mg/L : teneur en eau de l’air exprimé en mg/L) au niveau de la carène. Ces phénomènes d’humidification et de réchauffement jouent un rôle majeur dans la protection pulmonaire (hydratation adéquate du film muqueux favorisant la clairance mucocilliaire et le maintien optimal des échanges gazeux).

A la sortie de la prise murale, les caractéristiques de l’O2 sont à 0 °C de température et 0 % d’hygrométrie. A la sortie du débitmètre, la température de l’O2 est de 15 °C environ et le niveau d’hygrométrie est proche de 2 %.

L’humidification de l’O2 est habituellement recommandée pour des débits supérieurs à 3-6 l/min afin d’éviter des complications au niveau des muqueuses nasales et respiratoires et le dessèchement des sécrétions bronchiques.

Cependant de nombreuses études ont démontré que le risque infectieux des barboteurs ou humidificateurs était largement supérieur aux bénéfices attendus. En effet, les nébuliseurs et/ou brumisateurs produisent des gouttelettes d’eau (1 à 40 microns) qui peuvent transporter des bactéries (0,2 à 10 microns) et des virus (0,017 à 0,3 microns).

Lors de l’administration d’O2 chez un patient en ventilation spontanée, l’humification de l’O2 est donc de ce fait, devenue totalement inutile (ce qui n’est pas du tout le cas chez un patient intubé et ventilé !).

A l’inverse, l’optiflow (haut débit) dispose d’un humidificateur « à léchage » qui produit de la vapeur d’eau (0,0001 micron) qui ne peut donc transporter ni virus ni bactérie (schéma ci-dessous).

optiflow

Oxygénothérapie : préparation et surveillance du patient

Une fois l’objectif de la SpO2 (>90 %) atteint ainsi que l’amélioration du tableau clinique, les débits d’O2 seront adaptés et diminués et éventuellement les dispositifs d’administration d’O2 modifiés (MHC ou lunettes). Concernant l’IRC, le débit d’O2 sera ajusté sous contrôle des gaz du sang avec au moins une PaO2 égale à 60mmHg avec +/- une hypercapnie tolérée cliniquement.

Préparation du patient

  • Informer et rassurer le patient ;
  • Installer confortablement le patient en position assise ou demi-assise afin de favoriser le travail respiratoire (particulièrement le travail du diaphragme) ;
  • Faire moucher, tousser, cracher le patient avant de mettre en place le dispositif d’O2th ;
  • Expliquer les précautions et consignes à respecter.

Surveillance clinique et paraclinique du patient

  • Elle est à adapter en fonction de l’état clinique du patient et de son évolution :
  • Conscience (agitation, anxiété, confusion, somnolence…) ;
  • FC, PA, SpO2 (> 90 %) ;
  • Fréquence respiratoire (12-16/min), amplitude respiratoire (superficielle, profonde), rythme respiratoire (régulier, irrégulier, pause) ; Attention une bradypnée (inférieure à 10/min) doit faire redouter un arrêt respiratoire imminent
  • Recherche/régression des signes de détresse respiratoire (tirage intercostal, creux xiphoïdien, balancement thoraco-abdominal, battements des ailes du nez) ;
  • Signe de cyanose (lèvres, extrémités) : témoin de l’hypoxémie ;
  • Sueurs : signe d’hypercapnie (augmentation de la PaCO2). Il est nécessaire d’augmenter la vigilance si le tableau clinique s’accompagne de somnolence, confusion, désorientation… ;
  • Contrôle gaz du sang éventuel.

[dropshadowbox align="center" effect="lifted-both" width="auto" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]De nombreuses études ont démontré que le risque infectieux des barboteurs ou humidificateurs était largement supérieur aux bénéfices attendus.[/dropshadowbox]

Surveillance de l’oxygénothérapie

  • Mise en place correcte du dispositif (lunette, MHC…) ;
  • Vérification du débit d’oxygène, de l’absence de plicature du tuyau à O2 ;
  • Vérification des réglages de l’optiflow le cas échéant ;
    • dessèchement des muqueuses, saignement de nez,
    • surveillance des points d’appuis (nécrose des ailes du nez, des oreilles) Surveillance au niveau local : Vérification de l’absence d’escarres au niveau cutanée.

Oxygénothérapie : précautions d’emploi

  • Interdiction formelle de fumer ;
  • Interdiction d’utiliser un corps gras (vaseline, lanoline) sur le visage mais privilégier une pâte à l’eau ;
  • Toute flamme est proscrite à proximité d’une source d’O2 ;
  • Ne pas serrer trop fort le masque (sensation d’étouffement ou d’oppression) ;
  • Lors d’utilisation de haut débit d’O2, les patients peuvent se plaindre d’un assèchement de la cornée surtout s’ils sont porteurs de lentilles de contact.

Conclusion

L’O2 est un médicament et, comme tel, il faut respecter ses indications et ses modalités d’administration et de surveillance (1). En ventilation spontanée, l’administration d’O2 peut se faire par lunettes ou masque simple pour les faibles débits (< 6 l/min), par masque à haute concentration ou optiflow pour des débits plus importants et une FiO2 plus élevée. Nous aborderons ces différents dispositifs d’administration dans un prochain article. L’objectif de l’oxygénothérapie est de parvenir ou maintenir une PaO2 > 60 mmHg et/ou une SpO2 > 90 %. 

Laurence Piquard
IADE Infirmière anesthésiste

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Cet article est paru dans le n°30 sept-oct-nov 2018 d'ActuSoins Magazine.

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(1) Les consignes de sécurité avec l’oxygène ne sont disponibles sur le site de l’ANSM (https://ansm.sante.fr/S-informer/Informations-de-securite-Autres-mesures- de-securite/Principales-consignes-de-securite-avec-les-bouteilles-doxygene).

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