Une infirmière dans les bidonvilles

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A Marseille, Nathalie Ramos, infirmière pour la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé) mères-enfants de l’AP-HM, se déplace régulièrement dans les bidonvilles de la ville. Son objectif : repérer les enfants qui ont besoin d’un suivi sanitaire, accompagner les parcours d’accès aux droits sociaux et assurer un suivi des familles.

© Malika Surbled

A quelques centaines de mètres des docks de Marseille, en plein cœur d’un quartier en plein renouveau, plusieurs familles ont trouvé refuge dans les locaux d’une école de danse désaffectée. Elles ont connu l’errance et de multiples expulsions. Elles subissent les pressions, la misère et l’exclusion. Côté santé, ce n’est pas mieux. « Certaines familles n’ont même pas de droits ouverts, explique Nathalie Ramos. Ni Assurance maladie. Ni même d’AME (Aide médicale d’État). Nous sommes là pour identifier ces familles et pour les accompagner afin qu’elles aient au plus vite un accès au droit commun ».

Plusieurs fois par mois, toujours accompagnée par Claudia Marchetti, la médiatrice en santé de la délégation marseillaise de Médecins-du-Monde, Nathalie se rend sur les lieux de vie. A l’écoute des demandes spécifiques, elle s’évertue aussi à faire de la prévention.

D’un cabanon à l’autre, elle consulte les carnets de santé et conseille les familles. Si celles-ci ont déjà un suivi et des droits ouverts, Nathalie les oriente vers la PMI ou vers la médecine de ville. Si ce n’est pas le cas, elle donne des dates de rendez-vous à la PASS de l’hôpital Nord, où elle assure, avec un médecin et une assistante sociale, des consultations spécifiques de dépistage et de soins. L’idée est de garantir la continuité des soins jusqu’à l’obtention de la couverture sociale indispensable pour se soigner ailleurs.

Dans son carnet, Nathalie note les noms, les besoins et les dates de consultations. « C’est un travail passionnant », explique l’infirmière. « Mais on peut vite être dépassé. Les demandes sont multiples et ne concernent pas uniquement la santé des enfants ». Une femme, qui se sent mal et sans forces, lui tend les résultats d’un bilan sanguin. Le bilan hépatique est mauvais. Les œdèmes des membres inférieurs proéminents. Nathalie fait le point avec elle, lui indique de prendre les diurétiques prescrits. Elle vient pour les enfants, mais ne peut pas faire abstraction des adultes. « Je suis infirmière, on me demande de l’aide, je la donne, c’est une évidence pour moi », sourit-elle.

Les familles parlent emplois, avis de justice et logements. Il faut savoir mettre en relation avec les acteurs concernés. « Intervenir dans les bidonvilles nécessite un travail en concertation avec tous les partenaires sociaux », explique Claudia Marchetti, la médiatrice en santé de Médecins du Monde, qui assure le lien entre les familles et les différents acteurs du monde de la santé. La jeune femme, qui accompagne d’ailleurs régulièrement les familles à la PASS Mères-enfants, affirme que les familles sont « vraiment soucieuses » de la santé de leurs enfants. Mais que les multiples expulsions ne favorisent pas le suivi. Lorsque l’on est dans la rue – ou presque –, l’urgence se situe malheureusement ailleurs

Textes et photos : Malika Surbled

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Cet article est paru dans le numéro 31 d’ActuSoins Magazine (janvier 2019)

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Nathalie Ramos, infirmière, travaille depuis un an et demi à la PASS mères-enfants de l’hôpital Nord à Marseille (AP-HM). Elle y assure deux journées de consultations par semaine. Le reste du temps, elle se rend au domicile des personnes en situation de précarité pour des « consultations environnement », mais aussi sur les squats et bidonvilles de Marseille. Il y en a vingt-neuf à Marseille. Huit cent personnes y vivent, dont beaucoup d’enfants en bas âge. © Malika Surbledmore
Nathalie est toujours accompagnée de Claudia Marchetti (à droite), une médiatrice en santé francoroumaine, salariée de Médecins du Monde. Claudia assure le lien entre l’infirmière et les familles. © Malika Surbledmore
Habitat, précarité, exclusion, travail : le champ de la santé n’est pas l’unique sujet de discussion. Il faut savoir écouter et orienter. © Malika Surbled
Le but est d’aller à la rencontre des familles, de se présenter et d’assurer un suivi ou une orientation sanitaire adaptée. Souvent, ce sont les parents qui viennent d’eux-mêmes vers Nathalie, pour évoquer des problèmes de santé. © Malika Surbledmore
Aujourd’hui, deux enfants jouent avec la batterie usagée d’une voiture. Ils s’amusent à relier les câbles entre eux. « Il y a un vrai risque de saturnisme car ces batteries contiennent du plomb et les enfants se mettent les mains dans la bouche », explique Nathalie. Les conséquences de l’intoxication au plomb peuvent être multiples : troubles digestifs, anémie, retards mentaux et psychomoteurs… © Malika Surbledmore
Claudia, la médiatrice de Médecins du Monde traduit et explique les enjeux du suivi par la PASS aux familles. Elle facilite ainsi le travail de Nathalie, qui ne pourrait pas se rendre aussi facilement sur ces lieux de vie sans cette précieuse collaboratrice. © Malika Surbledmore
Si les enfants sont suivis par la PASS ou la PMI, les vaccins sont en général à jour. Si ce n’est pas le cas, Nathalie donne rendez-vous aux familles pour une consultation médicale à la PASS (quand les familles n’ont pas de couverture maladie) ou met en relation avec la PMI ou la médecine de ville si des droits ont déjà été ouverts. © Malika Surbledmore
Établir un premier contact sur place avec les enfants facilite la prise en charge ultérieure. © Malika Surbled
Certains enfants connaissent déjà Nathalie. Ils l’ont vue en consultation à la Pass. Cette petite fille demande les résultats de sa prise de sang. Elle veut être sûre que « tout va bien » pour elle. © Malika Surbledmore
C’est l’heure de faire le point. Nathalie a vu dix familles aujourd’hui. De la prévention contre le saturnisme a été effectuée. Des résultats de bilans sanguins ont été montrés et expliqués. Des rendez-vous pour une consultation médicale et une prise en charge sociale à la Pass ont été pris. © Malika Surbledmore

Voir les commentaires (1)

  • Je suis heureuse de voir briller cette étincelle d humanité et d humilité.... Nath..... Je te reconnais bien là.... Bravo