Le mécontentement des infirmières persiste aussi au Maroc

Les grèves et manifestations se succèdent depuis cinq mois dans les grandes villes du royaume pour réclamer notamment la création d'un Ordre des infirmiers, et plus globalement une meilleure considération de la profession.

Le mécontentement des infirmières persiste - aussi - au Maroc

Hamid Massou, porte-parole du « Conseil national du mouvement des infirmiers et techniciens de santé ». © DR

Le 1er et le 12 mai resteront cette année comme des dates importantes pour les infirmières marocaines. Car la « Fête du Travail » et la « Journée internationale des Infirmières » sont les deux grandes dates de mobilisation des professionnels ce mois-ci, avec notamment une conférence de presse organisée à Rabat le 12 mai pour sensibiliser les médias sur un mouvement de protestation qui dure déjà depuis près de six mois.

C’est l’inculpation de deux soignantes pour « homicide par négligence », suite au décès d’un nourrisson le 17 décembre 2018 à la maternité des Orangers de la capitale marocaine, qui a allumé la colère d'une corporation se sentant pour le moins mal-aimée. Depuis, les manifestations se succèdent dans les principales villes du pays pour réclamer davantage de reconnaissance.

Loin de s’essouffler, mouvement coordonné par le « Conseil national du mouvement des infirmiers et techniciens de santé » multiplie les actions, avec notamment trois grèves nationales au cours des deux derniers mois, dont une de 48 heures les 16 et 17 avril dernier (à l'exception évidemment des services d'urgence et de réanimation).

Le ministère de la Santé a mis en place des discussions sectorielles pour écouter l'ensemble des acteurs du personnel soignant des hôpitaux publics, mais les aspirations des infirmières restent toujours sans réponse.

Équité des primes de risque

« Nous n'avons eu aucune proposition sur les six grandes revendications que nous avons posé sur la table », confirme Hamid Massou au nom du « Conseil national des Infirmiers ». Ce Conseil demande d'abord une équité des primes de risque entre  médecins et infirmiers. Ces derniers touchent une prime -invariable jusqu'à leur retraite- de 1400 dirhams marocains (130 €) alors que les médecins perçoivent d'entrée 2.800 dirhams (258 €), puis 5.900 dirhams (545 €) au bout de deux ans.

« C'est une  situation injuste, car le risque n'est pas différent entre l'infirmier et le médecin », estime Hamid Massou : « L'infirmier passe même plus de temps avec le malade, et prend donc davantage de risques, d'après les propres constatations de l'Organisation Mondiale de la Santé ». La deuxième grande revendication concerne la création d'un Ordre des infirmiers, inexistant au Maroc. « Nous voulons l’élaboration d'un référentiel des emplois et des compétences pour bien encadrer nos métiers et pour en finir en finir avec l'insécurité juridique », ajoute le porte-parole du Conseil National.

Les autres exigences du mouvement concernent l’intégration dans la profession des lauréats des Instituts supérieurs des professions infirmières (délivrant des diplômes d’État) et l'annulation d'un décret qui pénalise les IDE ayant obtenu leurs diplômes en 2 ans (contre 3 ans pour les formations actuelles), en les privant de revalorisation d’échelles et empêchant l'accès aux masters et doctorats en soins infirmiers.

Manque d'effectifs

Les professionnels réclament enfin un effort de recrutement, en s'appuyant là aussi sur les chiffres de l'OMS.« Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le Maroc nécessite au moins de 10.000 infirmiers supplémentaires, notamment en kinésithérapie ou maternité », note Hamid Massou. Des recrutements qui permettraient notamment de pallier les manques en personnel dans certains services comme en maternité, où il n'y a que 4 sages-femmes pour 1.000 naissances (avec pourtant plus de 2.500 sages-femmes au chômage). D'après les données du Ministère de la Santé, le Maroc compte aujourd'hui 32.000  IDE en activité, soit 9,2 infirmières pour 10.000 habitants.

« En attendant des réponses concrètes, nous allons continuer à nous mobiliser à travers des grèves, mais aussi des actions de sensibilisation du personnel et d'explication à l’ensemble des citoyens marocains du bien fondé de nos demandes, pour améliorer un système de soins qui est aujourd'hui en crise », conclue Hamid Massou. En cas de statu quo, de nouveaux arrêts de travail sont déjà prévus en juin (toujours à l’exception des services d'urgences et réanimation).

Francis Matéo

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