Expérimentations dérogatoires : quelle implication pour les professionnels du terrain ?

L’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2018 ouvre la possibilité à des financements dérogatoires aux règles actuelles de tarification pour des « expérimentations organisationnelles innovantes du système de santé ». Les acteurs de terrain sont plus que jamais concernés et impliqués, comme l’ont rappelés les intervenants de la conférence organisée par le Collège des économistes de la santé (CES) le 11 avril.

Expérimentations dérogatoires : quelle implication pour les professionnels du terrain ?« La France a aujourd’hui cette démarche de créer des cadres favorables pour l’émergence d’innovations organisationnelles », a rappelé Dominique Polton, vice-présidente du Conseil stratégique de l’innovation en santé. Jusqu’à présent « nous avons eu des difficultés à intégrer des innovations de process et de soins qui n’entrent pas dans le cadre classique de remboursement des soins », a-t-elle soutenu. L’article 51 change la donne. 

Critères de sélection

La LFSS a créé un cadre générique et un fonds national pour les expérimentations. « Pour entrer dans le cadre de l’article 51, l’expérimentation, d’une durée maximale de cinq ans, doit nécessiter au moins une dérogation à des règles de financement, d’organisation ou aux deux », a fait savoir Natacha Lemaire, rapporteur général du Conseil stratégique de l’innovation en santé. Quatre critères de sélection vont conduire au choix des expérimentations : la faisabilité, la reproductibilité à l’échelle du territoire national, le caractère innovant et l’efficience.

Les règles de facturation des professionnels de santé libéraux ou en établissements, les règles de remboursement des patients par l’Assurance maladie, et celles de la prise en charge des produits de santé vont pouvoir être modifiées. De même que du côté organisationnel, l’article 51 va permettre un partage d’honoraires entre professionnels de santé ou encore une dérogation aux missions des établissements de santé.

Un dispositif évalué

Les expérimentations peuvent être proposées à l’initiative des acteurs de terrain ou répondre à un appel à projet. « Pour démarrer, les thématiques vont porter sur le diabète, l’insuffisance cardiaque et les maladies coronaires, l’insuffisance respiratoire et sur les polypathologies chez les personnes âgées », a précisé Natacha Lemaire. Cinq expérimentations en cours vont par ailleurs intégrer le modèle de l’article 51 : la vaccination antigrippale, le dispositif Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA), les hôtels hospitaliers, le parcours de soins des adultes atteints d'insuffisance rénale chronique (IRC), et la prise en charge d’enfants à risque d’obésité.

« Toutes les expérimentations vont faire l’objet d’une évaluation, a indiqué Ayden Tajahmady, médecin, directeur adjoint à la direction de la stratégie des études et des statistiques à la Cnamts. C’est indispensable pour identifier les modèles qui pourront ensuite intégrer le droit commun. »

L’implication des équipes locales

Une attention particulière va être portée à la question du « bottom up », « cette idée de laisser les initiatives locales se développer pour en tirer le meilleur au moment de la généralisation des expérimentations,  un choix vertueux », a soutenu Jérôme Wittwer, professeur en sciences économiques et président du CES.

Les initiatives de terrain vont devoir articuler les offres des équipes de soins primaires, celles des établissements médico-sociaux et celles des établissements de santé. « Il faut parvenir à des transformations dans un but d’efficience, faire émerger des offres de parcours articulés », a expliqué Anne-Marie Armanteras de Saxcé, membre du Collège de la Haute autorité de santé (HAS), présidente de la Commission de certification des établissements de santé. Et d’ajouter : « Nous aurons gagné si nous parvenons à donner confiance aux acteurs du premiers recours, du médico-social, et des établissements, qui accepteront, pour des prises en charge de parcours, de se solidariser. »

Des équipes déjà matures

« Le champ de l’article 51 nous  intéresse car il est adapté au projet de santé porté par les Equipes de soins primaires (ESP), a rapporté Pascal Gendry, médecin, président de la Fédération française des Maisons et pôles de santé (FFMPS). La coordination des parcours est l’essence même de ce que veulent les professionnels unis en MSP Maison de santé pluriprofessionnelle. »

Il estime néanmoins que les MSP Maisons de santé pluriprofessionnelle pouvant s’impliquer dans l’article 51 doivent être matures, organisées et avoir déjà pensé à leur coordination. « Il faut aussi réfléchir à la pérennité des organisations innovantes et à “l’après cinq ans“, a-t-il soutenu. Nous avons mis en place des infirmières de parcours, des secrétariats de parcours, et la dimension sociale est de plus en plus prégnante dans les équipes, ce qui implique une politique à long terme. » Enfin, il met en garde contre les démarches de certaines ARS « qui ont déjà fléché des actions d’innovation, sans doute pour financer une partie de leur projet régional de santé, sur l’insuffisance cardiaque et la santé mentale. C’est limitatif. »

Laure Martin

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