Infirmière, infirmier, se former en cours d’activité… Oui, mais comment ?

Avec un large éventail de formations sur le marché, les soignants ont facilement de quoi se perdre en termes de formation continue. D’autant que certaines de ces formations relèvent de l’obligation de DPC et que d’autres non. De plus, les modes de financements sont différents selon les enseignements choisis.

Se former en cours d'activité… Oui, mais comment ?

©iStock/mbbirdy

Diplômes universitaires, masters, formations courtes, formations en e-learning, promotions professionnelles…

Les soignants qui souhaitent acquérir de nouveaux savoir-faire ou simplement approfondir leurs connaissances ont normalement la possibilité de se lancer dans l’aventure de la formation continue.

Néanmoins, pour certains, le flux d’informations concernant les multiples possibilités de formations ou au contraire le défaut de catalogue dans les établissements entraîne des doutes et des remises en question sur la direction à prendre.

« J’ai vraiment l’impression que selon les établissements, on vous sert des formations sur un plateau ou qu’au contraire on vous met des bâtons dans les roues quand vous demandez des renseignements », regrette Aurélie, infirmière depuis cinq ans, qui a suivi un D.U Bariatrique cette année. « Personnellement, je n’ai eu aucune difficulté pour me faire financer mon D.U, mais j’ai beaucoup d’amis qui n’ont pas été dans ce cas et pour lesquels les supérieurs hiérarchiques ont refusé des formations », ajoute la jeune femme.

Un sentiment de « non accès à la formation » ? Pourtant, tous les établissements de santé - comme toutes les entreprises d’ailleurs – et tous les salariés cotisent pour la formation continue. Des millions d’euros sont collectés chaque année, spécialement pour former le personnel.

« Pour obtenir un financement, il faut vraiment intégrer le souhait de formation dans un projet professionnel et savoir le vendre », recommande Michel Fourmeaux, responsable du service développement de la Formation et des compétences de l’ANFH (Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier), OPCA de la fonction publique hospitalière qui collecte et gère les fonds consacrés au financement du plan de formation.

« Pour monter un projet et mettre tous les atouts de leur côté, les soignants peuvent trouver de l’aide auprès de la cellule formation de leur établissement ou directement auprès des conseillères formation régionales de l’OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) dont ils dépendent », ajoute-t-il.

Priorité aux parcours professionnalisants… mais pas que

La collecte de fonds en vue d’un financement de formation s’organise en plusieurs enveloppes. Dans le public par exemple, le  fond « Plan de formation » (2,1%) se distingue du fond « CFP-VAE-BC* » (0,2%), du « FMEP » (0,6%) et de l’ESAT (4,8%)

Les parcours professionnalisants qui permettent aux soignants de se spécialiser (une aide-soignante qui devient infirmière, une infirmière qui devient cadre ou puéricultrice par exemple) peuvent ainsi être financés par le plan de formation de l’établissement, le CFP ou encore le FMEP.

L’enveloppe réservée au plan de formation de l’établissement peut aussi servir à financer d’autres types de formations, professionnalisantes (acquisition d’expertise et de connaissances complémentaires). Dans ce cas, souvent, c’est l’établissement qui propose des formations plus ou moins courtes et certifiantes à ses employés, selon les priorités de l’établissement. Les formations relevant du DPC s’intègrent en général à ce plan de formation.

Le soignant peut tout à fait aussi demander à suivre une formation particulière et mobiliser son DIF (Droit Individuel à la Formation) dans le public ou son CPF (Compte Personnel de Formation) dans le privé. C’est dans ce cadre que la plupart du temps les Diplômes Universitaires sont financés. Enfin, il y a les modes de financements méconnus, qui servent à se reconvertir ou à suivre des formations longues (via un CIF dans le privé ou un CFP dans le public) à faire reconnaître ses compétences (VAE) ou encore à prendre un temps de réflexion sur son avenir professionnel (Bilan de compétences).

« Dans le cadre du plan de formation des établissements, en général, les formations les plus attribuées sont celles qui ont un rapport avec une professionnalisation », explique Michel Fourmeaux. Un rapport avec le DPC aussi, au détriment des formations non DPC validantes comme la plupart des Diplômes Universitaires.

Ainsi, en 2014, dans la fonction publique hospitalière, plus d’1 million de dossiers ont été financés dans le cadre du plan de formation et 72 % de ces dossiers concernaient le personnel de soins. « Les thématiques portaient principalement autour du soin, de la qualité des soins, de l’hygiène, de la psychiatrie et de la gérontologie », ajoute Michel Fourmeaux.

Selon le rapport 2014 de l’ANFH, la profession aide-soignante est celle qui a le plus bénéficié d’études promotionnelles en vue de l’obtention d’un Diplôme D’Etat Infirmier. « Il faut aussi savoir qu’il y a des formations qui ne sont quasiment jamais refusées », précise ce directeur. Avec moins de demandes que de budget alloué, le bilan de compétences fait partie de ces dossiers « presque toujours acceptés ». Selon différents OPCA, le CIF permettant de se reconvertir par exemple, tout en continuant à percevoir son salaire, serait attribué en première demande dans un cas sur trois.

Malika Surbled 

Article publié dans le magazine ActuSoins n° 18. Pour vous abonner, c'est ICI

Pour aller plus loin : les formations Master, DU, DPC de nos partenaires pour les infirmiers et infirmiers libéraux

*CPF-VAE-BC : Congé de formation Professionnelle, congé pour validation des acquis et de l’expérience, congé pour bilan de compétences

FMEP : Fond mutualisé pour le financement des études promotionnelles

ESAT : Formation Continue des travailleurs handicapés accueillis par les établissements et services d’aides pour le travail.

Des infirmiers et infirmières témoignent

Opter pour une licence professionnelle, une spécialisation d’Etat, un Diplôme Universitaire, ou une formation certifiante… Quatre professionnels expliquent leur choix. Propos recueillis par Malika Surbled.

Spécialisation Infirmier anesthésiste.

Garry Laudren, Infirmier étudiant IADE à la Pitié-Salpêtrière

Garry Laudren, Infirmier étudiant IADE à la Pitié-Salpêtrière ©DR

Etudiant infirmier anesthésiste en début de 2e année, j’ai été infirmier pendant trois ans dans un service de réanimation polyvalente et dans un service de réanimation de chirurgie cardiaque. Pendant mes études initiales, j’avais croisé des infirmiers anesthésistes, dont le travail et les compétences semblaient correspondre en tout point à mes attentes. C’est ce qui a motivé mon choix rapide de spécialisation. J’ai donc orienté ma carrière vers des services qui préparent à faire de l’anesthésie. J’ai aussi préalablement suivi un D.U en Soins intensifs, ce qui m’a préparé et qui a conforté mon choix vers une spécialisation. En effet, si le D.U m’a apporté énormément, je souhaitais intégrer une école d’Infirmier anesthésiste car la formation est très complète et qu’elle mène à un diplôme d’Etat reconnu, avec une spécificité et une exclusivité de compétences.

Ce sont deux années intensives et difficiles, mais cela en vaut la peine. Si je devais faire le bilan après ma première année d’études, je dirais que j’ai appris énormément en termes de physiopathologie, de pharmacologie, mais aussi dans l’approche relationnelle aux patients. J’ai aussi développé des capacités techniques et des capacités d’anticipation que je n’avais pas avant. Je suis également beaucoup plus structuré et autonome.

Garry Laudren, IDE étudiant IADE à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Financement : Etudes promotionnelles.

 

D.U Prise en charge médico-chirurgicale des patients atteints d’obésité sévère ou massive ».

Aurélie Canale Gaggioli, Infirmière libérale

Aurélie Canale Gaggioli, Infirmière libérale ©DR

Pendant cinq ans, j’ai travaillé dans un hôpital privé où l’on pratiquait la chirurgie bariatrique. Je m’occupais en pré-op et en post-op de patients atteints d’obésité sévère, à qui les chirurgiens posaient des anneaux gastriques ou encore des sleeves ou des by-pass. Quand un chirurgien a proposé à plusieurs infirmières de suivre un D.U, j’ai immédiatement saisi l’opportunité. J’avais besoin d’aller plus loin dans mes connaissances, de comprendre dans sa globalité la prise en charge pluridisciplinaire du patient, mais aussi de connaître le parcours de soins. Je voulais porter un nouveau regard sur mes actes avec une approche universitaire que je n’avais pas alors.

Le D.U s’est organisé en trois sessions de deux jours, sur six mois. J’y ai appris beaucoup. Depuis, j’ai quitté le service pour m’installer en libéral. Comme je m’intéresse toujours énormément à la chirurgie bariatrique, je démarche les chirurgiens de ma ville pour organiser des rencontres autour de cette pratique. Ce D.U m’a permis de rebondir vers d’autres voies, en montant des projets que je n’aurais jamais pu mener auparavant. C’est un bagage très utile pour moi.

Aurélie Canale Gaggioli, IDE libérale, Financement : Plan de Formation de son ancien établissement. DU suivi au CHU de Montpellier.

 

Licence Professionnelle en santé, sécurité au travail et environnement (LP SSTE)

Aude Tessier, Université Paris-Est Marne la Vallée, Institut Francilien d’ingénierie des services

Aude Tessier, Université Paris-Est Marne la Vallée, Institut Francilien d’ingénierie des services. ©DR

Je suis infirmière depuis 2011 et j’ai commencé à travailler en santé au travail à la SNCF en 2013. J’y suis toujours. Mon entreprise souhaite que ses infirmières se forment en santé au travail, car le nombre de médecins au travail diminue et les infirmières vont avoir de plus en plus de responsabilités dans les années à venir. Elles mettent notamment en place des entretiens infirmiers intermédiaires aux visites médicales avec les employés, ce qui n’existait pas auparavant. J’ai opté pour une licence professionnelle en 2014/2015 plutôt qu’un Diplôme Universitaire car j’ai obtenu mon Diplôme d’Etat Infirmier en 2011, juste avant la réforme qui attribue aux nouveaux diplômés le grade licence. Grâce à cette licence, je vais être titulaire d’un bac + 3 et j’aurai la possibilité de reprendre des études. Avec un D.U, je n’aurais pas eu les mêmes possibilités et les mêmes ouvertures.

J’ai suivi ma licence en alternance sur une année, et j’ai passé environ la moitié du temps à l’université. Les enseignements ont été très variés : réglementation, environnement, évaluation des risques psycho-sociaux, normes de qualité, toxicologie, management, ressources humaines, communication… J’ai eu personnellement parfois des difficultés à m’adapter à certains enseignements comme la physique-chimie, matière non pratiquée depuis le lycée. Il faut savoir qu’en alternance, le rythme est intensif et que pour réussir, il faut concéder à des sacrifices dans sa vie privée.

Aujourd’hui, mon entreprise réfléchit à une valorisation de ce diplôme. Celui-ci me permettra sûrement d’être plus autonome et de travailler en étroite collaboration avec les médecins du travail. J’espère notamment pouvoir mettre en place plus d’actions de prévention qu’auparavant. Alors qu’à court et moyen terme, je compte rester infirmière au sein de mon entreprise et devenir formatrice SST, j’envisage peut-être à long terme – et grâce à ce bac +3 - de reprendre un master ou une école pour devenir ingénieur santé- sécurité ou encore responsable qualité-sécurité-environnement.

Aude Tessier, Université Paris-Est Marne la Vallée, Institut Francilien d’ingénierie des services. Financement : Plan de formation.

 

Formation en Santé environnementale et pratiques de soin

Brigitte Coilliaux, Cadre de santé formateur à l’IFSI d’Ussel

Brigitte Coilliaux, Cadre de santé formateur à l’IFSI d’Ussel ©DR

Sur le plan personnel, j’ai toujours été intéressée par le développement durable. En tant qu’infirmière puis cadre de proximité, je me suis interrogée sur les pratiques de développement durable à l’hôpital ainsi que sur les problématiques que je rencontrais au quotidien : tri des déchets, pratiques de soins durables et responsables, sensibilisation des autres acteurs de la santé. Lorsque j’ai intégré l’IFSI d’Ussel, j’ai été responsable de l’enseignement de la santé publique et de l’économie de la santé. Je me suis renseignée sur les formations existantes en France et j’ai finalement choisi de m’inscrire à la formation en santé environnementale délivrée à l’IFSEN. La formation que j’ai suivie est très intéressante car elle est globale. On y aborde aussi bien les enjeux sanitaires du développement durable que l’alimentation ou même les polluants présents dans l’air, l’habitat ou encore les cosmétiques.

La formation dure neuf mois à raison de neuf sessions de trois jours. Elle se finalise par un module de mise en pratique professionnelle des apprentissages et est validée à l’issue de la présentation d’un travail de fin d’étude. Les participants ont créé un réseau qui permet d’échanger les informations et de les réactualiser. Cette formation m’a été vraiment utile sur le plan personnel et professionnel. J’ai entre autres pu mettre en place des actions de formation et de sensibilisation à la santé environnementale au sein des différentes unités d’enseignements réparties sur les trois années d’études pour nos étudiants en soins infirmiers. En qualité d’éducateurs de santé, ces futurs professionnels seront amenés à sensibiliser différentes populations à la santé environnementale. Avec la direction de l’IFSI, nous avons le projet de développer au sein du département de formation continue un domaine de santé environnementale. Ces formations pourront s’adresser aux autres IFSI mais aussi au « tout public ». J’envisage d’approfondir mes connaissances en participant à d’autres formations dans des domaines de santé environnementale comme le rayonnement magnétique, les produits de consommation ou l’air extérieur.

Brigitte Coilliaux, Cadre de santé formateur à l’IFSI d’Ussel. Formation suivie à l’IFSEN (Institut de Formation en Santé Environnementale). Financement : CFP (Congé de Formation Professionnelle)

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Réactions

7 réponses pour “Infirmière, infirmier, se former en cours d’activité… Oui, mais comment ?”

  1. Laura3L dit :

    Il ya aussi des organismes de formation très sérieux qui peuvent vous accompagner dans le montage du dossier de financement. Si vous souhaitez devenir Attaché de Recherche Clinique ou Chargé de Vigilance, FDC Formation vous forme en 8 semaines intensives à temps plein, et vous accompagne depuis le dossier de financement, jusqu’à la recherche d’emplois. http://www.fordrugconsulting.com/formation-en-recherche-clinique-et-vigilance/

  2. Refus, refus et refus…Je ne suis pas prioritaire…alors, je me finance moi même comme une grande et je vais aller en cours sur des journées sans solde et comme c’est pas la porte à côté, je vais devoir me payer aussi l’hôtel…Il faut arrêter de dire que tout est fait pour que l’on se forme…

  3. Calou Kalou dit :

    La formation est un droit !!! Il faut se battre je suis d’accord mais ils ne peuvent pas refuser plus d’un certain nombre de fois(demande en lettre recommandée !) pour la fonction public tu peux faire un dossier ANFH !

  4. Cha Baudvin dit :

    Comme si cela était possible … ha c’est vrai en théorie mais l’hôpital vous trouve toujours un argument pour refuser votre demande ! moi ca a été « c’est trop cher », « cela ne correspond pas à votre service » un DU douleur en ssr gériatrie avec des lits identifiés soins palliatifs, expliquez moi … bref l’hôpital c’est des employeurs à esclaves !!!

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