Frédérique, infirmière dermographiste, elle tatoue les femmes atteintes de cancer

Frédérique Bongni-Marin est infirmière dermographiste. Au centre de lutte contre le cancer niçois Antoine Lacassagne, elle redessine des aréoles aux femmes ayant subi une mammectomie. Pour le bien-être moral des patientes.

Frédérique, infirmière, elle tatoue les femmes atteintes de cancer

© Malika Surbled

 « Nul besoin d’un talent d’artiste » explique Frédérique en riant. « Il suffit de suivre une formation spécifique, puis d’avoir le matériel et les moyens suffisants pour pratiquer la dermographie médicale », poursuit-elle.

Et des moyens, cette infirmière de cinquante ans en a obtenus au Centre Antoine Laccasagne. Grâce aux actions qu’elle a menées avec persévérance. Grâce aux concours et aux prix qu’elle a gagnés. Grâce aussi à la délégation médicale qui lui a été attribuée, car cet acte est normalement réservé aux médecins. Une activité qu’en qualité d’infirmière, elle n’est pas la première à l’exercer.

Des soignants dermographistes, il y en a quelques uns en France. Dans son hôpital, avant Frédérique, une autre infirmière un peu plus âgée avait lancé le concept. Et comme ça marchait, Frédérique est venue l’aider puis elle a pris le relais.

À présent, la dermographie représente environ 40 % de son temps de travail. « Cet acte rentre dans le cadre des soins de support. Pendant 26 ans, j’ai travaillé dans des services de soins, notamment en sénologie, auprès des femmes. Avec le temps, je me suis rendu compte que non seulement la maladie était difficile à supporter mais que le plus grave aux yeux des patientes était la détérioration de leur image corporelle. Perdre ses cheveux, perdre ses sourcils, avoir un sein abîmé : c’est une grande difficulté. Je trouvais désarmant de rien avoir à leur proposer. Ces femmes se mettent en rejet de la société ou de leur couple parce qu’elles n’osent plus se montrer. Alors, ce dispositif permet de leur redonner un peu confiance, c’est important. Cela fait partie du soin comme le serait un pansement ou une injection », explique-t-elle.

Patientes : de la réticence à l'enthousiasme

Alors qu’à l’heure actuelle pratiquement toutes les patientes bénéficient d’une reconstruction après une mammectomie, certaines éprouvent parfois des réticences à se faire tatouer. « Ce qui est dommage c’est que le tatouage demeure quelque chose de particulier dans les mentalités. Souvent, les familles déconseillent cette démarche de peur de voir leur femme ou leur mère s’infliger une souffrance supplémentaire pour un acte purement esthétique », regrette Frédérique.

« J’ai régulièrement des patientes qui viennent parce que c’est leur chirurgien qui les y a presque obligées. Elles n’ont pas envie parce qu’elles ont traversé beaucoup d’étapes. Mais quand elles sortent, c’est bluffant pour elles et elles sont si heureuses d’avoir franchi ce cap, sourit Frédérique. Ça leur permet de se réapproprier un corps. De redonner de la féminité là où elles n’en trouvaient plus ».

Donner du bonheur dans le cadre d’un métier et d’une spécialité difficiles - l’oncologie - : voici ce qui l’anime. Du bonheur, elle en donne aussi en tatouant de nouveaux sourcils aux patientes sous chimiothérapie et en colorant des cicatrices.

Deuxième casquette : infirmière d'annonce

Lorsqu’elle ne tatoue pas, Frédérique est dans son bureau, à accueillir de nouvelles patientes ou de nouveaux patients. Elle est infirmière d’annonce. Et tout cela pour elle, ça se rejoint. « C’est complémentaire. La consultation infirmière d’annonce – qui se fait à distance de la consultation médicale avec la réelle annonce, ndlr – est un moment d’échange. Chaque rencontre est différente » explique-t-elle. Son rôle consiste à accompagner et à informer les patients, souvent perdus avec eux-mêmes après l’entretien médical.

« Quand un médecin annonce un cancer, les patients ont l’impression de se prendre un immeuble sur la tête. C’est très difficile pour eux. Nous sommes là pour reprendre les informations, éventuellement les ré-expliquer. C’est toujours un premier temps d’écoute. Si nécessaire, j’oriente vers des psychologues ou des assistantes sociales. Le but, c’est aussi de pouvoir anticiper au maximum les problèmes », ajoute-t-elle.

Frédérique assure aussi des consultations de fin de traitement et anime une fois par mois l’atelier AIME*, fruit de l’une de ses initiatives. Les patientes y trouvent des conseils nutritionnels, des activités physiques adaptées, des exercices de relaxation et des conseils esthétiques. Afin de répondre au mieux aux questionnements des patientes concernant leur intimité, mise à mal par une image corporelle dégradée, Frédérique a aussi entrepris un D.I.U de sexologie humaine à la faculté de médecine de Nice. Elle est la seule infirmière dans l’amphithéâtre.

Malika Surbled
Article paru dans ActuSoins magazine

 * AIME : Atelier Image et Mieux Etre 

Frédérique Bongni-Marin en 5 dates :

  • 1986 : obtient son D.E puis travaille au C.H.U de Nice,
  • 1989 : intègre le Centre Antoine Lacassagne et poursuit plusieurs formations,
  • 2005 : devient infirmière d’information et de coordination au sein du département des soins de support,
  • 2008 : se forme à la démographie médicale,
  • 2013 : entreprend sa formation en vue de l’obtention d’un D.I.U de sexologie humaine. 

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