Affaire Vincent Lambert : la décision de la CEDH autorise mais n’impose pas la fin de vie

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La CDEH a estimé que la décision d'arrêter l'hydratation et l'alimentation de Vincent Lambert ne violerait pas l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. En pratique, tout dépend de la décision collégiale qui sera prise au CHU de Reims.

Extrait d'une exposition photo de l'association "Les p'tites lumières" © Jean-Louis Courtinat

Extrait d'une exposition photo de l'association "Les p'tites lumières" © Jean-Louis Courtinat

Le Centre Hospitalier Universitaire de Reims a annoncé son intention de consulter prochainement tous les "représentants de la famille" de Vincent Lambert, après la décision de la CEDH d'autoriser l'arrêt des soins.

Si la CDEH donne raison au Dr Eric Kariger qui, à l’issue de deux procédures collégiales successives, avait initié en avril 2013 puis à nouveau en janvier 2014 l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation de ce jeune homme en état végétatif irréversible, celui-ci, épuisé, a démissionné et a été remplacé par le Dr Daniela Simon.

"La décision hier c'était la mienne, et bien évidemment elle ne s'impose à aucun professionnel de santé indépendant", indique le Dr Eric Kariger

Une nouvelle décision collégiale

Les avis sont partagés. "Il n’y a absolument pas besoin de refaire une procédure collégiale", affirme pour sa part Bruno Lorit, l’avocat de François Lambert, le neveu de Vincent Lambert, dans Le Quotidien Le Monde. "L’hôpital a l’obligation d’arrêter les soins car en droit c’est lui qui a pris cette décision", dit-il. Il assure que s’il venait à constater des "atermoiements" de la part de l’hôpital, si celui-ci ""reprenait la procédure à zéro", il en appellerait à la ministre de la santé, Marisol Touraine.

« Une nouvelle procédure collégiale est absolument nécessaire pour assurer la sécurité juridique de la décision », tranche un expert de la justice administrative pour qui, entre le recours annoncé devant le tribunal administratif et l’appel devant le Conseil d’Etat, ""on est reparti pour revivre un épisode semblable au précédent, mais où tout va se jouer en accéléré", grâce au cadre validé par la CEDH.

Il faudra aussi compter avec les recours de ses parents qui veulent continuer à se "battre". Les parents de Vincent Lambert réclament le transfert de leur fils dans une unité de soins spécialisés pour malades pauci-relationnels dans le service spécialisé de la maison de santé Bethel, près de Strasbourg, qui accueille des personnes à la conscience altérée.

Le service est dirigé par le Dr Bernard Jeanblanc, qui soutient que Vincent Lambert, comme les 1500 patients pauci-relationnels, perçoivent leur environnement extérieur. "Si on euthanasie un patient comme Vincent, quid des 1500 autres qui sont comme lui? On les élimine? Sur quels cri­tères? Parce qu'ils sont handicapés? Qu'ils ne servent à rien? Je crains beaucoup ces dérives utilitaristes, voire économiques", indique le Dr Jeanblanc dans une interview au Figaro.

Le Dr Kariger s’est par ailleurs élevé contre les "éléments nouveaux" invoqués par les avocats des parents de Vincent Lambert qui affirment qu’il a récupéré récemment sa capacité de déglutir. "C’est totalement scandaleux. Vincent Lambert n’a jamais perdu son réflexe de déglutition sinon il serait déjà mort (…) d’une noyade pulmonaire et d’une infection pulmonaire", a-t-il assuré en réaction à la demande des parents de nouvelles expertises médicales.

La décision de la CDEH : une avancée

"Sur le fond, la CEDH ne se prononce pas sur la question de savoir s'il faut aider Vincent Lambert à mourir. Elle dit que la loi française est respectueuse des droits de l'homme et conforme aux textes européens, que les institutions françaises ont bien fonctionné et que si c'était finalement cette décision qui était prise, elle ne serait pas contre le respect des droits de Vincent Lambert", souligne le Dr Véronique Fournier, directrice du centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin, dans le JDD.

"Cette décision de la Cour européenne des Droits de l'Homme vient montrer les limites de notre médecine, mettre face à face ce droit à la vie auquel nous sommes tous attachés, mais aussi ce droit déontologique, humaniste, de ne pas faire subir à nos patients ce qu'on appelle l'obstination déraisonnable. Aujourd'hui on a un cadre législatif et judiciaire européen qui va venir renforcer les droits du patient, et protéger les médecins qui font correctement leur travail",a réagi de son côté le docteur Eric Kariger.

Par ailleurs, cinq des 17 juges de la CEDH se sont désolidarisés de la décision. "Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus - et nous regrettons d'avoir à le dire - qu'elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu'ici offerte aux personnes vulnérables", écrivent les cinq juges, représentants Malte, la Moldavie, la Géorgie, la Slovaquie et l'Azerbaïdjan.

Enfin, Marisol Touraine, en marge du Congrès du Parti Socialiste, a réagi à l'annonce de la décision de la CEDH. "Au moment où la décision de la Cour de justice européenne a été rendue, j'ai pensé à l'épouse de Vincent Lambert, qui a mené un grand combat, douloureux et difficile. Et je pense qu'elle doit être aujourd'hui rassurée et soulagée, même s'il lui appartient maintenant de voir comment envisager la suite", a confié la ministre au Point. "C'est une décision très importante, qui vient conforter notre cadre législatif", a ajouté la Ministre.

Le député Jean Leonetti (Les Républicains), auteur de la loi qui porte son nom, considère que le cadre législatif français est « validé » et même « conforté » par l’arrêt. Il en déduit « qu’il y a intérêt à développer les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance », alors qu’il porte à nouveau une proposition de loi sur la fin de vie avec le député socialiste Alain Claeys. Le texte, adopté en mars par l’Assemblée nationale, sera examiné au Sénat les 16 et 17 juin.

Cyrienne Clerc, avec Le PointLa CroixLe MondeLe Figaro, Le JDD

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Réactions

1 réponse pour “Affaire Vincent Lambert : la décision de la CEDH autorise mais n’impose pas la fin de vie”

  1. Quand même, on ne laisse pas mourrir les gens de faim et de soif, ce sont quand-même des besoins essentiels, il y a sûrement d’autres alternatives, je n’en crois pas mes yeux de devoir lire ça

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