Quand une infirmière libérale doit rembourser des soins qu’elle a effectués

Pour ce 6e volet de notre série d'articles sur les indus, l'équipe d'ActuSoins a fait appel à son juriste en droit de la santé, pour raconter et analyser un litige entre une infirmière libérale et une CPAM.

[En 2019, ActuSoins se penche sur la question des indus, et vous propose une enquête en plusieurs volets, pour comprendre les démarches des Cpam et leurs agissements.] 

En Juin 2018, Sarah G.*, infirmière libérale, a été condamnée par le TASS (Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale) à payer 4000 euros à une CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) du sud de la France. Epilogue d’une énième affaire entre une soignante et un organisme de sécurité sociale. 

Le 21 décembre 2016, Sarah a télétransmis 46 factures pour un montant de 7850 euros à la CPAM. Ces factures correspondent à des soins qu’elle a effectués auprès de ses patients. Elles seront réglées.

Quelques temps plus tard, en envoyant de nouvelles factures, Sarah se rend compte qu’elle n’est plus payée par la CPAM. Elle décide donc de contacter la caisse par téléphone. Cette dernière lui explique qu’elle a bloqué les paiements car, en décembre 2016, lors de la transmission des 46 factures, elle n’a pas reçu les pièces justificatives (prescriptions médicales). Une lettre aurait été adressée à Sarah G. afin de lui demander d’envoyer les pièces manquantes.

Ne recevant pas les documents demandés, la CPAM a considéré que Sarah lui devait 7850 euros et a décidé de prélever cette somme sur ses nouvelles factures.

L’infirmière se défend en expliquant qu’elle n’a jamais réceptionné le courrier et décide donc, au plus vite, d’envoyer toutes les pièces justificatives manquantes à la CPAM, qui, dès réception, lui paye en juin 2017, toutes les factures restées, jusque-là, en attente.  

L’histoire aurait pu s’arrêter là…

Revirement de la CPAM

Mais, contre toute attente, la CPAM change d’avis et décide de demander à Sarah le remboursement des 7850 euros, en s’appuyant sur l’article L161-33 du code de la sécurité sociale : « En cas de transmission électronique, si le professionnel, l'organisme ou l'établissement dispensant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie est responsable d'un défaut de transmission à la caisse du bénéficiaire (…) la caisse peut exiger du professionnel ou de l'organisme concerné la restitution de tout ou partie des prestations servies à l'assuré. »

Sarah se voit alors dans l’obligation de saisir la commission de recours amiable de la CPAM, qui décidera de donner raison à l’organisme.

Le 22 septembre 2017, Sarah lance donc un recours contre la décision de la CPAM devant le TASS...

Une décision de justice qui essaie de ménager les deux parties

Le jugement déclare ce qui suit : « Il convient de souligner qu’avant d’informer Mme G. de l’existence d’un indu, la CPAM a, par mail, rappelé à Mme G. l’importance de transmettre les pièces justificatives (…) mais il ne ressort pas des éléments du dossier que Mme G. aurait l’habitude d’envoyer tardivement les pièces justificatives, ni qu’elle aurait tenté de commettre une fraude (…) mais il est établi que les pièces justificatives n’ont pas été transmises dans le délai de huit jours et que sans avoir tenté de tromper la caisse, Mme G., a été négligente dans sa gestion des documents administratifs (…) Mme G. indique avoir oublié de transmettre ces éléments car elle maitrise mal le logiciel SCOR (…) Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de réduire le montant de la sanction prononcée à l’encontre de Mme G. à la somme de 4000 euros ».

Au final, l’infirmière libérale est condamnée pour négligence administrative, suite à l’envoi de certains documents en retard et remboursera donc à la CPAM, non pas 7850 euros, mais 4000 euros qui correspondent quand-même à des soins qu’elle a effectués dans les règles.

Même si la décision de justice n’est pas critiquable en termes de droit, la somme de 4000 euros parait disproportionnée pour une négligence administrative, d’autant plus qu’elle a été ponctuelle.

Sarah a depuis décidé d’arrêter sa pratique libérale et travaille en structure de soins comme infirmière salariée.

Vincent Lautard
Infirmier et juriste en droit de la santé

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*L’infirmière libérale souhaitant rester anonyme, son identité a été modifiée pour l’article

Lire aussi sur ActuSoins : 

Notre série en plusieurs volets (2019), sur les indus des infirmiers libéraux

Quand les infirmiers libéraux sont contrôlés (1er volet de la série "indus"). Janvier 2019. 

Infirmiers libéraux et indus : les procédures menées par les CPAM (2e volet de la série "Indus"). Février 2019

Infirmiers libéraux et indus : pourquoi un tel comportement des CPAM ? (3e volet de la série "Indus"). Mars 2019

Demande d'indus : quel rôle pour les syndicats? (4e volet de la série "Indus"). Avril 2019. 

Indus : le point de vue de la Cnam (5e volet de la série "Indus"). Mai 2019

 

Un article, plus daté, qui pointait déjà les problèmes rencontrés par les IDEL, face aux indus

Fraudes, erreurs, ou acharnement ? Les infirmiers libéraux face aux CPAM. Mars 2016.

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