En Essonne, la fermeture programmée de trois hôpitaux crée des remous

Les activités du Groupe hospitalier Nord-Essonne (hôpitaux d’Orsay, Juvisy et Longjumeau) doivent à l’horizon 2023 être transférées dans un site unique et futuriste sur le plateau de Saclay. Une décision défendue mordicus par la direction, mais que certains habitants et syndicats dénoncent vivement.

L'hôpital du plateau de Saclay en projet.

L’offre hospitalière de proximité est au cœur de l’actualité : non seulement elle fait partie des nombreuses revendications portées par les gilets jaunes, mais de plus, elle est l’un des axes forts du projet de loi santé présenté mercredi par Agnès Buzyn en Conseil des ministres. Dans ce contexte chargé, la fronde menée par certains habitants de l’Essonne contre le déménagement en 2023 des hôpitaux de Juvisy, Longjumeau et Orsay sur le plateau de Saclay prend un écho tout particulier.

« Nous allons faire face à un réel problème de santé publique », alerte Gilles Remignard, l’un des représentants du Collectif de défense des hôpitaux du Nord Essonne, structure informelle qui a lancé une pétition pour demander que la ministre renonce à la fermeture des trois établissements. « On supprime trois hôpitaux dans une zone qui est pourtant en expansion démographique », poursuit le militant. « C’est une décision qui ne correspond pas à une véritable analyse de la situation dans le département. »

Zone sous-dense ou zone sur-dotée ?

Des affirmations que conteste vivement Guillaume Wasmer, patron du Groupe hospitalier promis au déménagement. « Il faut reprendre les chiffres », explique-t-il. « Si vous regardez le nombre de lits par habitants en Nord-Essonne, il n’existe pas en France de zone avec une plus forte concentration, en dehors de cas particuliers comme Paris ou Lyon intramuros. » Le directeur ajoute qu’une offre de pointe existe pour certaines spécialités à moins de 20 minutes, citant notamment « l’Institut Gustave Roussy en cancérologie à Villejuif, Sainte-Anne en psychiatrie dans le 13earrondissement de Paris, etc. ».

Il faut dire que le débat est tellement envenimé que même sur les temps de trajet, personne n’est d’accord. « La route qui rejoint Saclay est constamment encombrée par la sur-circulation, et elle est régulièrement fermée en raison d’inondations ou de fort enneigement », avance Gilles Rémignard. Ce à quoi Guillaume Wasmer rétorque que la route est tout à fait praticable. « En dehors des périodes 7h30-9h et 17h30-19h, ça roule », affirme-t-il.

Moins mais mieux ?

Reste que le nombre de lits est amené à diminuer dans le secteur. « Il y avait 1050 lits pour les trois hôpitaux en 2015, il y en aura 417 en 2024 », avance Gilles Rémignard. Des chiffres qui font bondir Guillaume Wasmer. « Ils additionnent des lits et des carottes », s’insurge ce dernier, qui précise que le décompte du collectif omet les lits de Soins de suite et réadaptation (SSR) regroupés à Orsay, la psychiatrie qui ne bouge pas, et les Centres de consultations et de soins urgents qui sont ou seront créés dans les villes où les hôpitaux fermeront.

« Ce qu’il faut voir, c’est que nous ferons environ 40 000 séjours par an là où nous en faisons actuellement 44 000 », indique le directeur, qui précise qu’il s’agira d’une offre de soins totalement recomposée, plus efficace, ouverte sur la ville, privilégiant l’ambulatoire, et que la population sera donc mieux desservie.

Mais peut-on vraiment faire mieux avec moins ? « Le projet prévoit 700 suppressions de postes », indique Jean-Louis Gelé, secrétaire CGT du groupement hospitalier. Un chiffre que Guillaume Wasmer ne remet pas en cause. Celui-ci précise toutefois que le regroupement entraînera automatiquement des synergies, et que « personne ne sera mis au chômage : on est dans la fonction publique hospitalière ». Jean-Louis Gelé répond que des membres du personnel seront bel et bien poussés vers la sortie, et qu’on propose déjà à certains, dans le cadre de restructurations en cours, des postes « qu’ils ne peuvent pas accepter ».

Quand la politique n’est pas loin

Mais à bien écouter l’ensemble des protagonistes, il semble que l’essentiel de la question se situe bien au-delà des aspects pratiques du déménagement. Car le plateau de Saclay fait l’objet de multiples projets d’infrastructures scientifiques, et est appelé à devenir ce que les partisans de cette transformation appellent « une Silicon valley à la française ». Les patients du futur hôpital ultra-moderne risquent donc bien d’être en moyenne bien plus aisés que la moyenne des habitants du nord de l’Essonne. « On ferme des hôpitaux chez les pauvres pour en ouvrir chez les riches », résume Gilles Rémignard.

Face à ces considérations de nature politique, Guillaume Wasmer et les autorités sanitaires répondent par des arguments de nature technique et mettent l’accent sur le respect des procédures établies. « Le projet a tout de même été voté par les élus, et par les représentants des usagers au sein de l’établissement », rappelle le directeur. Une incompréhension qui résume à elle seule bien des aspects du débat public actuel en France, et qui va bien au-delà des considérations liées à l’accès aux soins.

Adrien Renaud

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