Vos blogs : Pensées d’un aide-soignant

Les soignants sont de plus en plus nombreux à transmettre leur vécu et leur expérience à travers des blogs, des livres ou même des scénarios. ActuSoins à toujours eu à coeur de mettre en lumière et de partager ces écrits. Aujourd'hui, nous vous présentons un billet sur le don d'organes, proposé par Alexis, aide-soignant. Alexis tient une page FaceBook intitulée Dans le couloir- Pensées d'un aide-soignant. Dans ses récits, il ouvre les portes des chambres des hôpitaux et raconte les histoires qu'il n'a pas voulu oublier. 

Chambre 145

Le respirateur artificiel s'exécute machinalement en faisant s'élever et s'affaisser paresseusement la cage thoracique.
 
Le bruit ronflant, caractéristique de l'appareil, procure une sensation rassurante tant il représente un ultime reliquat de vie. Cet appareillage exerce un attrait hypnotique, car il nous fait prendre conscience que la vie ne tient qu'à un fil...
 
La complexité apparente de son fonctionnement contraste avec son rôle paradoxalement simple : il est question de vie ou de mort pour celui qui lui est relié, en l’occurrence, Madame F.
 
Un accident de voiture, choc frontal ayant condamné une bonne partie de son encéphale, a eu raison de la joie de vivre qu'elle respirait il y a encore quelques semaines...
 
Voilà déjà quatre mois que sa vie ne tient qu'à une subtile synergie de différentes machines qui assurent pour elle ses fonctions vitales élémentaires.
 
Dans sa chambre, sa mère oscille au même rythme que le scope branché constamment. Elle passe d'un état de sidération, à l'espoir, de questions lancinantes à un mutisme implacable.
La pièce est devenue un sanctuaire où le silence doit être observé religieusement. Aux murs, face au lit, tout est là pour invoquer et raviver une vie déjà passée. Des photos, des courriers, des dessins, c'est un peu le film de sa courte existence qui semble se dérouler face à une Madame F. paisiblement spectatrice...
 
Depuis quelques jours, la tension est à son comble. Le corps médical ne cache désormais plus le sentiment d'avoir atteint ses limites. D'ailleurs, une inscription vient clore le dossier et barre froidement la dernière page. Le dernier électroencéphalogramme corrobore le diagnostic. C'est sans appel : mort encéphalique.
 
La mère est assise face au respirateur, le regard dans le vague. Une question lui a été posée : « Devons-nous débrancher ? » Question ô combien difficile : après lui avoir donné la vie voilà que cette mère doit donner son accord pour la mort de son enfant...
 
Mais, on lui a posé une seconde question. Plus subtile, plus profonde encore.
En effet, la mort encéphalique permet une chose, : le don d'organes. A vrai dire, Madame F., âgée de vingt-trois ans, ne s'est probablement jamais interrogé sur ce sujet. Sa mère non plus, d'ailleurs.
 
Néanmoins, pour cette dernière, le cheminement, la réflexion est rapide. Un long silence, qui paraît des heures, remplit la pièce. Sa décision revêt un enjeu majeur. Elle embrasse délicatement sa fille, lui caresse la joue et elle accepte. «C'est son dernier défi, pour la vie », dit-t-elle.
 
Très vite, tout s'enchaîne, et on finit par arrêter le respirateur. La flamme vacillante de la vie ne tarde pas à s'éteindre très rapidement. Nous sommes tous là autour de Madame F. et de sa maman. La scène est poignante. Nous retenons notre émotion.
 
Au même instant, au bloc opératoire, un respirateur s'allume. C'est pour l'anesthésie d 'un jeune atteint de mucoviscidose. Il va recevoir un des poumons de Madame F. Une histoire s'arrête, une autre va pouvoir reprendre son cours. C'est d'abord cela le don d'organe, c'est donner un second souffle de vie, une nouvelle espérance ! Et finalement, où il y a de la vie, c'est encore la vie...
 

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