Santé en prison : une culture gériatrique à diffuser

La Direction de l’administration pénitentiaire a consacré un colloque au vieillissement, le 30 septembre dernier. Depuis les années 1990, les difficultés de la prise en charge se sont progressivement déplacées vers les maladies chroniques et la perte d’autonomie.

Gefängnis Treppenhaus

« Malgré son âge et [son] amputation des deux jambes, il a d’autres problèmes physiques, cancer et tout et tout, diabète, enfin multiples pathologies. » Ce témoignage d’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation illustre bien les défis actuels.

En 2015, 12 % des détenus avaient plus de 50 ans, seuil à partir duquel on les considère comme âgés du fait d’un excès de facteurs de risques chez cette population. Les conditions de détention ensuite (sédentarité, stress, solitude…) accélèrent le déclin de la santé physique et mentale et de l’autonomie.

« Or, il y a un défaut d’organisation du dépistage, puis de la prise en charge », constate le docteur Yvain Auger, responsable de l’unité d’hospitalisation sécurisée interrégionale de La Pitié-Salpêtrière, à Paris. Surcroît de difficulté, les détenus doivent écrire pour consulter. Or, certains ne sollicitent jamais les unités sanitaires.

Au centre de détention de Bapaume (62), une réunion pluridisciplinaire mensuelle réunit donc tous les corps de métier, afin de repérer les personnes fragiles. Une action initiée dans le cadre d’un programme « bien vieillir en détention », lancé en 2015 dans cette prison, avec un objectif de prévention de la dépendance.

L’équipe mobile d’évaluation gérontologique du centre hospitalier d’Arras forme aussi « nos infirmières aux facteurs de risque iatrogènes, à la prévention des chutes et des escarres, aux troubles psychocomportementaux…, a précisé Sandrine Bajeux, cadre de santé de l’unité sanitaire de la prison. Et les patients bénéficient d’évaluations neuro-géronto-psychiatriques, en hôpital de jour, à l’hôpital. »

Un Ssiad en prison

Pour le quotidien, des codétenus sans qualification sont souvent affectés au rôle d’aidant. Et lorsque des auxiliaires de vie sociale interviennent, « l’évaluation pour l’Apa (allocation personnalisée d’autonomie) peut prendre des mois, a témoigné Sandrine Bajeux. Résultat, nous avons déjà dû faire des toilettes en cellule. »

A Toul (54), c’est donc un Ssiad (service de soins infirmiers à domicile), dépendant de l’hôpital de rattachement de la prison, qui vient six jours sur sept. Outre les toilettes, ses missions sont la surveillance de la prise des traitements et des constantes. « Cela permet une détection plus précoce de problèmes médicaux, ou de racket de certains médicaments », précise la docteure Sandrine Bresciani, responsable de l’unité sanitaire.

Dernier recours, une loi de 2002 prévoit la sortie anticipée des personnes présentant « un état de santé durablement incompatible avec leur maintien en détention ».

Mais son application se heurte à la complexité des situations (statuts d’étranger, addictions, troubles psychiatriques…), aux réticences des Ehpad à accueillir des détenus. Et à cette ambiguïté : « A adapter les prisons, nous avons de moins en moins d’arguments en faveur de ces sorties », note Antoine Michaut, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Toul.

Emilie Lay

Abonnez-vous à la newsletter des soignants :

Faire un don

Vous avez aimé cet article ? Faites un don pour nous aider à vous fournir du contenu de qualité !

faire un don

Réagir à cet article

retour haut de page
365 rq / 4,359 sec