Eric infirmier libéral, la rage de vivre

Il y a trois ans, il se faisait attaquer par un requin en surfant, et perdait une jambe dans l’accident. Aujourd’hui, Eric Dargent, infirmier libéral de 37 ans, fait développer des prothèses performantes pour les surfeurs en situation de handicap. Et révolutionne le handi-sport.

Eric Dargent, infirmier libéral, la rage de vivre

Eric Dargent, infirmier libéral © Malika Surbled

« Pour bien expliquer pourquoi je fais cela, il faudra reprendre depuis le début », dit-il presque en riant, en guise de présentation. Ces mots, Eric Dargent a bien dû les prononcer des dizaines de fois, à des dizaines de médias, à des dizaines de médecins et à des dizaines d’inconnus. Son histoire, il la retrace avec sang-froid. Et même si l’évocation de son accident lui « fait encore mal », Eric n’hésite pas à le raconter encore et encore. Pour sa cause. Pour la cause des autres sportifs handicapés aussi.

Eric est la première victime d’une longue série d’attaques de requins sur l’île de la Réunion. En février 2011, il décide avec sa famille d’aller y faire du repérage. Lui et sa femme sont infirmiers et n’auront pas de problème à y trouver du travail. Il faut dire que pour Eric, l’environnement est idéal. Amoureux de la nature et de la mer, c’est un grand sportif. Un grand surfeur. Après quelques jours de visites et d’activités diverses, avec sa planche, il se met à l’eau. Et ne se doute de rien. Les conditions météorologiques sont bonnes.

Puis, c’est le drame. La vie qui s’écroule. « Je ne reviendrai pas sur l’attaque elle-même ni sur les longues suites en réanimation. Il n’y a plus rien à dire à ce sujet. J’ai été amputé sur le coup, j’ai perdu beaucoup de sang mais j’ai réussi à ramer jusqu’à la barrière de corail où d’autres surfeurs puis les pompiers ont pris le relais et m’ont sauvé. Voilà, c’est comme ça… ».

« Quand j’étais là sous l’eau, emporté, j’ai ressenti une envie, une rage de vivre, une montée d’adrénaline. C’était tellement fort, je ne pouvais pas laisser ma famille là, à quelques mètres de moi, sur la plage. Il fallait que je tienne. Quand on travaille dans le milieu médical, on connaît l’importance de la vie parce que l’on voit des gens qui meurent, des gens qui souffrent et on sait que tout ça ne tient qu’à un fil. Là, cette rage que j’ai ressentie, c’était encore plus énorme ».

Plus de trois ans après, cette rage, Eric la connaît encore. « Du fait de ce qui m’est arrivé. Du fait de ce que j’ai perdu et des difficultés liées à mon handicap. De ne plus pouvoir travailler comme avant, de ne plus être l’homme fort que j’étais, de subir toutes sortes de complications dans mon quotidien. Cette rage explose dans le surf et c’est ce qui me fait vivre. Car quand je suis sur l’eau, j’oublie tout cela, je suis dans mon élément, tout simplement ».

L’association

Eric a décidé de faire avec son handicap. Construire une nouvelle vie, partager et surtout aider. Avec sa cousine et avec le club de surf auquel il appartient, il a monté une association à son nom.
« Avec l’association*, notre premier but est d’améliorer les prothèses et de les rendre accessibles. Mais on essaye d’aller plus loin encore. Par exemple, cette année, on a accompagné trois personnes paraplégiques à l’eau, sur une planche de surf ». Développer des prototypes de pieds, de genoux ou de jambes artificielles pour pouvoir surfer : quand il a une idée en tête, rien ne peut arrêter Eric. Lui-même est allé à l’eau avant même de pouvoir re-marcher. C’était seulement trois mois après l’accident.

« Ça a été le véritable parcours du combattant. J’ai rencontré plusieurs médecins, plusieurs prothésistes. On me disait de renoncer au surf, que ce n’était pas possible. Jusqu’au jour où j’ai trouvé des personnes attentives à mon projet de re-surfer ». Avec ces soignants, Eric a suivi une rééducation personnalisée et a pu tester des prototypes de prothèses qui n’existaient pas jusqu’alors.

Avec l’association*, notre premier but est d’améliorer les prothèses et de les rendre accessibles. Mais on essaye d’aller plus loin encore. Par exemple, cette année, on a accompagné trois personnes paraplégiques à l’eau, sur une planche de surf.

S’impliquant à fond dans le projet de développement des prothèses sportives, il a entre autres ces trois dernières années, spécialement fait venir des modèles uniques depuis les Etats-Unis, développé un partenariat avec un lycée technique d’usinage mécanique dans lequel les lycéens fabriquent de nouveaux modèles. Il prête aussi son image à un fabriquant de prothèses en échange de modèles qui peuvent valoir jusqu’à 15 000 euros et qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale.

Pour l’instant, Eric ne peut pas reprendre son travail d’infirmier libéral. Il aimerait pourtant. Mais les difficultés physiques liées à son handicap ne lui permettent pas de reprendre son poste. Il faut porter les charges, porter les patients, se baisser pour faire les pansements. Et ça, ce n’est pas envisageable pour l’instant. Alors Eric poursuit ses projets et développe bénévolement son association. Infirmier finalement, mais bien autrement…

Malika Surbled
Article paru dans Actusoins magazine

Eric Dargent en 6 dates :
1998 : obtient son DE puis travaille en réanimation et en dialyse
2004 : s’installe en tant qu'infirmier libéral
2011 : est attaqué par un requin en surfant
2011 : sa cousine crée l’association Surfeurs Dargent
2012 : participe au développement d’une première prothèse spécifique
2014 : a de nombreux projets pour développer l’association.

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Réactions

3 réponses pour “Eric infirmier libéral, la rage de vivre”

  1. Tout simplement bravo !!!

  2. Expérience pas banale ,quel destin.

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