Professions réglementées : il faut soutenir les cabinets infirmiers libéraux (tribune)

Le point de vue dissonant d’un professionnel sur le projet de loi concernant les professions réglementées. Par Kévin Malacarne, gérant du cabinet Action Soins Infirmiers*

Professions réglementées : il faut soutenir les cabinets infirmiers libéraux (tribune)C’est incontestable : les professions réglementées constituent, pour le gouvernement, un sujet très sensible.

Il n’est pas anodin, d’ailleurs, d’avoir observé les professions les mieux structurées en termes de représentation politique et symbolique monter au créneau.

Mais, sur les 37 professions censément concernées par le projet de loi croissance du gouvernement, n’y aurait-il que des avocats, des pharmaciens ou des notaires ? N’y a-t-il qu’un vent unanime de protestation ? La réponse est non.

Devant les enjeux croissants liés à la dépendance, les infirmières libérales vont avoir un rôle d’autant plus décisif à jouer. C’est pourquoi ce métier a besoin d’évoluer et d’être mieux soutenu – face aux structures privées à but lucratif notamment.

Il faut que le projet de loi nous donne l’occasion de débattre de l’indispensable renforcement des cabinets libéraux. Notre profession souffre d’un manque évident de reconnaissance (c’est le combat continuel des infirmières et infirmiers) mais surtout d’une absence de législation lui permettant de se développer.

Créer de l'emploi

Si l’exercice libéral de notre profession était simplifié, nous pourrions, dès demain, créer des centaines et même des milliers d’emplois, qualifiés, durables et non délocalisables.

En période de crise et de chômage massif, peu de professions peuvent en dire et faire autant. Car nous sommes de plus en plus amenés à devenir un chaînon essentiel dans l’organisation du système de soins en France.

Aujourd’hui, il est presque impossible pour un cabinet infirmier qui souhaite se développer d’ouvrir un second lieu d’exercice. C’est incompréhensible. Et c’est, au fond, décourageant.

Il faut nous permettre de répondre aux besoins de soins que nous mesurons chaque jour et ainsi créer de l’emploi. La législation doit évoluer et le recours à l’investissement extérieur peut nous servir de levier de croissance.

Il n’est pas normal d’être pris en tenaille par la concurrence de l’hospitalisation à domicile et des services de soins infirmiers à domicile. Notre profession n’est pas protégée parce qu’elle n’est tout simplement pas armée.

Autre point important : la qualité des services rendus aux patients, c’est d’abord la qualité des conditions d’exercice de notre métier. Souvent isolées ou organisées à quelques-unes, les infirmières libérales sont victimes d’un mode de travail qui ne les sécurisent pas suffisamment.

Atteindre une taille critique

Les cabinets libéraux doivent pouvoir atteindre, plus facilement, une certaine taille critique qui offre la possibilité de disposer d’un matériel de qualité, de locaux adaptés, d'un secrétariat, d'une équipe administrative qui s'occupe des remplacements des infirmières libérales, des congés maternité des infirmières libérales ou des arrêts maladie, avec un mode de fonctionnement souple et adapté aux rythmes individuels et des temps dédiés à la formation.

Former les infirmières, c’est augmenter leur niveau de connaissance et améliorer leurs pratiques de soins. Former les infirmières, c’est faire en sorte de leur confier, à l’avenir, des responsabilités plus importantes. C’est ainsi faire progresser toute une profession.

Nous avons besoin de ce projet de loi pour nous aider à soutenir l’exercice libéral du métier d’infirmière. A condition qu’il soit vraiment mieux sécurisé, l'exercice indépendant offre beaucoup plus d'avantages que le salariat.

Améliorer la prise en charge

Cela participe également d’une réflexion plus globale sur l’organisation de la chaîne de soins en France : le développement des soins à domicile doit aller de pair avec la réduction des temps d’hospitalisation et l’amélioration de la prise en charge des personnes âgées chez elles.

A faire de tels choix, la Sécurité sociale ne peut qu’en sortir gagnante, et les patients aussi, disposant d’une réelle alternative aux établissements pour personnes âgées dépendantes à but (très) lucratif.

Kévin Malacarne

*A propos d’Action Soins Infirmiers (ASI)

Actions Soins Infirmiers est un cabinet infirmier libéral indépendant, fondé en 2011 par Kévin Malacarne et basé à Paris. Le cabinet regroupe aujourd’hui 60 professionnels et soigne 700 patients chaque jour. Les infirmières libérales bénéficient des ressources mises à leur disposition par le cabinet : patientèle, locaux, matériel de soins, secrétariat et équipe administrative, formation initiale et continue, gestion des remplacements.

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Réactions

12 réponses pour “Professions réglementées : il faut soutenir les cabinets infirmiers libéraux (tribune)”

  1. ASI dit :

    En ce qui concerne les cotisations sociales, la législation est très claire, article 18 de la loi N°2005-882 :  » V. Le collaborateur relève du statut du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant ». C’est assez logique, chacun facture ses honoraires et chacun paye ses charges sociales et ses impôts.
    En ce qui concerne la subordination que vous abordez, la même loi précise que « le collaborateur exerce en toute indépendance et sans lien de subordination ». Le gérant, le directeur, le président, ou l’infirmier propriétaire du cabinet s’il exerce en nom propre n’a pas de lien hiérarchique avec ses collaborateurs. Des manquements à cette règle pourraient entrainer la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail (ce qui est interdit dans notre profession : CSP art R4312-48). Il serait dangereux de s’y risquer. En tant que responsable d’un cabinet vous avez la responsabilité de la gestion administrative, financière et le management du personnel administratif mais vous devez laisser la plus grande latitude possible à vos collaborateurs : choix des patients, des soins, du rythme de travail, des horaires, de la facturation… Ce n’est pas forcement évidant.

  2. Pierrefrancois dit :

    Erreur du journaliste ou lapsus révélateur ? C’est pratique la collaboration libérale car vous ne payez pas leurs cotisations sociales, chacun y va de sa poche mais par contre tous les attributs de la subordination sont là : pouvoir de direction du gérant, organisation des plannings de tournée, instructions et sanction par la rupture du contrat de collaboration.

  3. ASI dit :

    C’est une erreur du journaliste, les infirmiers sont collaborateurs libéraux donc indépendants et reversent un loyer pour faire fonctionner la structure. C’est un statut très courant, de nombreux cabinets infirmiers fonctionnent ainsi. La seule différence vient du nombres d’infirmiers qui en se mutualisant++ s’offrent de meilleurs conditions d’exercices.

  4. Pierrefrancois dit :

    « Le cabinet emploie aujourd’hui 60 professionnels »… C’est cela que vous appelez « soutenir les infirmiers libéraux » ? Les employer pour qu’ils vous rapportent de l’argent.

  5. ASI dit :

    Suite aux commentaires liés à l’article je me permets de faire quelques précisions.
    Notre cabinet est une société d’exercice libérale comme beaucoup de cabinets d’ infirmiers, de médecins, de Kine…rien de plus classique. La seule différence avec un autre cabinet est que nous nous sommes adaptés à Paris qui compte 2 millions d’habitant intra muros. Les collaborateurs sont donc plus nombreux. Ce modèle de groupement peut fonctionner uniquement dans les grandes métropoles. Notre structure fonctionne car elle clarifie l’offre de soin et facilite l’exercice libéral pour ses collaborateurs. Les experts comptables, les pharmaciens ou les avocats ont depuis longtemps des structures importantes dans les grandes villes française. C’est souvent d’ailleurs le parcours des jeunes professionnels avant qu’ils s’installent à leur compte. Plusieurs de nos collaborateurs ont ouvert leur cabinet après avoir été collaborateur quelques années chez nous. Aucune crainte de voir installer un groupements de ce type en zone rurale. Le sujet n’est pas d’ailleurs le cabinet ASI mais bien le future de notre profession d’infirmier libéral. Le discours des syndicats est plutôt conservateurs concernant cette loi, je tenais à faire entendre un discours plus réformateur. C’est une opinion.

  6. idel.38 dit :

    je suis étonnée pas par les propos tenus, mais par l’auteur.. un gérant de société qui se transforme en défendeur de notre profession.. Jusqu’à cet article, je ne savais même pas que de tel « entreprise » existait, peut être parce que je travaille dans un secteur rural au fond de l’Isère.. Il est certain que toutes et tous nous souhaiterions pouvoir être remplacer rapidement en cas de besoin. Mais la question de la generalisation de ces entreprises m’interpelle.. seront elles intéressées par mon petit secteur rural ou ma patientèle est fidélisée depuis de nombreuses années??? cet article me dérange car elle pose la question du futur de mon cabinet et voir même de ma profession.. est ce que ma facon de travailler est condannee a long terme..

  7. Ideelibre dit :

    Le libre propos émis par ce gérant fait écho à des initiatives beaucoup plus anciennes et qui sont étrangement combattues par l’Ordre des Infirmiers. A de nombreux endroits en France, ont commencé à émerger des structures qui ont eu beaucoup de mal à trouver un cadre juridique légal, et un modèle économique fiable. Généralement créées par des infirmiers/!ères de terrain, ces structures ont pour vocation de fédérer les infirmières libérale, tandis que d’autres cabinets craignaient pour la remise en cause de leur privilèges ou supposés tels ( la rage que l’on attribue au chien de son voisin, porte ici alors le nom de concurrence déloyale, escroquerie etc…). Ici, comme en politique, chacun utilise l’opportunité de l’actualité pour tenter d’apparaître comme le héros triomphant d’une bataille menée par d’autres….

  8. Tout cela est bien joli mais lorsque vous avez fini votre journée de travail avec ses horaires contraignants , la partie administrative en plus, que vous travaillez au moins deux mois sans pouvoir être remplacée, cela laisse peu de temps et d’énergie pour autre chose….

    • idel.38 dit :

      je suis entièrement d’accord avec vos propos.. personnellement le peu d’énergie qui me reste je le garde pour ma vie familiale.. De plus, que pourrions nous faire de cette énergie comment l’utiliser.. ce cher Mr écrit de jolis chose mais comment se défendre.. vers qui se tourner, qui pour nous fédérer??? lui……, je suis désolée mais je ne vais pas adhérer a un mouvement guide par un gerant de societe qui pourrait a moyen terme detruire la maniere dont j’exerce mon métier..

  9. Il faudrait être un peu plus « incisives et incisifs » , je pense tels les médecins ou kinés dont les syndicats sont un peu moins timides que les nôtres….

  10. Ce serait cool de pouvoir être remplacée rapidement en cas de maladie ou de congés maternité. Sans parler d avoir un secrétariat, et moins de papiers a faire!

  11. Pour être reconnus, faudrait déjà arrêter de brader le diplôme, on serait un peu plus crédibles !

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