Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (19 et fin)

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 Vincent Marion, étudiant infirmier en deuxième année à l'IRFSS de la Croix Rouge de Saint-Etienne est parti du 18 mars au 23 avril en stage dans un centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). De jour en jour, il a rédigé un journal que nous publions. Passionnant et instructif ! 

Le 23 avril 2014

Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (19 et fin)

©Vincent Marion

Pour mon dernier jour de stage, j’ai dû, pour des raisons pratiques, prendre mon poste le matin avec les étudiants locaux.

L’un d’entre eux a commencé sa journée en se faisant engueuler par une sage-femme. La veille, il était entrain de s’occuper d’un accouchement lorsque son horaire de descente (fin de poste) est arrivé. L’expulsion étant imminente, il est resté quelques minutes supplémentaires. Lorsque le bébé est sorti, il l’a posé sur le ventre de la mère et a quitté le service sans autre forme de procès.

Lorsque la sage-femme est passée dans la salle d’accouchement quelques minutes plus tard, elle a trouvé la mère avec le bébé sur son ventre. Le cordon n’était ni clampé ni coupé, et aucun soin n’avait été donné à l’enfant et à la mère.

Je constate que l’étudiant est un peu gêné de se faire réprimander devant ses camarades, mais à part ce court moment de honte, son comportement irresponsable ne lui vaudra aucune sanction.

Je me suis mis à m’occuper d’un nouvel accouchement. C’était si difficile pour la maman (de 15 ans) que j’ai passé le relai à une sage-femme expérimentée. Elle a du faire une épisiotomie avec une vieille paire de ciseaux.

Au Burkina, plus de 75% des femmes sont excisées, bien qu’une loi interdise cette pratique depuis 1996. Les complications médicales à court et à long terme de ces mutilations génitales sont multiples. En ce qui concerne l’accouchement, la peau de la zone génitale est parfois tellement dense et dure en raison de la cicatrisation que l’expulsion du bébé devient très difficile.

Les sages-femmes sont obligées de pratiquer une épisiotomie pour écourter la phase de poussée. Lorsqu’elles suturent la zone entaillée, elles ne la recousent volontairement jamais complètement, pour « laisser de l’aisance » en prévision d’un futur accouchement.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="apx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]Je me suis mis à m’occuper d’un nouvel accouchement. C’était si difficile pour la maman (de 15 ans) que j’ai passé le relai à une sage-femme expérimentée. Elle a du faire une épisiotomie avec une vieille paire de ciseaux.[/dropshadowbox]

La sage-femme voulait que je fasse l’épisiotomie. J’ai refusé en lui expliquant que j’étais là pour apprendre à agir en cas d’accouchement inopiné, pas pour devenir maïeuticien. Elle est revenue à la charge en me disant ensuite : « j’ai fait l’épisiotomie, à toi de faire la suture ».

Nouveau refus de ma part, car je n’ai pas l’intention de me faire la main sur le périnée d’une jeune maman de 15 ans. Un étudiant maïeuticien vole à mon secours en proposant de se charger de la suture.

Je reste avec lui et après quelques minutes, j’observe qu’il est entrain de suturer complètement. Je lui demande pourquoi il ne laisse pas d’aisance alors que la jeune mère va très certainement avoir d’autres grossesses dans le futur. Il me répond en souriant : « parce qu’il faut aussi penser à l’homme ».

J’ai terminé la journée en faisant le tour des services pour aller saluer les soignants avec qui j’ai travaillé pendant ces six semaines. La plupart de ces personnes m’ont dit que ce serait bien que je revienne.

Tous rêvent de venir en France, mais ils savent bien que le voyage est très coûteux. Ceux qui pourraient se payer un tel voyage savent aussi que les demandes de visa sont presque systématiquement rejetées par la France. C’est donc un échange à sens unique. J’ai les moyens de circuler librement sur la planète, tandis qu’eux sont assujettis à rester en Afrique de l’Ouest. Cette situation inéquitable ne les a pas rendu aigris, ils m’ont accueilli à bras ouverts.

Vincent Marion

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Réactions

3 réponses pour “Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (19 et fin)”

  1. C’était très intéressant … Merci de nous avoir fait partager tout ça ..

  2. après une telle expérience je ne doute pas que ce sera un excellent professionnel de santé

  3. merci beaucoup pour ce témoignage très humaniste

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