Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (10)

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Vincent Marion, étudiant infirmier en deuxième année à l'IRFSS de la Croix Rouge de Saint-Etienne est parti du 18 mars au 23 avril en stage dans un centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). De jour en jour, il a rédigé un journal que nous publions. Passionnant et instructif !

Le 03 avril 2014

 Depuis le début de mon journal de stage, j’ai beaucoup parlé du manque de moyens et de la pauvreté. Mais il y a un autre aspect déstabilisant que je ne peux négliger : c’est le rapport soignant – soigné.

Infirmier stagiaire à Bobo-Dioulasso (10)

©Vincent Marion

Le soignant est instruit, sa place dans la société est établie, il est bien assis financièrement comparativement à la majorité de la population qui vit au jour le jour de petits boulots. C’est donc une personne respectable et respectée qui a de surcroît une grande responsabilité, celle de prendre en charge les patients qui lui sont adressés.

Dans ce rapport de force déséquilibré j’assiste parfois à des propos choquants pour l’occidental bien élevé que je suis.

« Il faut cesser de pleurer et expliquer ton problème, les pleurs n’expliquent rien » ai-je entendu dire à une patiente, concentrée sur sa douleur, qui ne répondait pas aux questions du major.

« Parle, parle, il faut parler si tu veux qu’on te soigne » fut dit, en haussant la voix, à une patiente qui avait du mal à expliquer de quoi elle souffrait exactement.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]« Tu n’as pas à demander d’examens supplémentaires, n’oublie pas que c’est de ta faute si ton enfant à la typhoïde » dit l’infirmier à une mère qui avait le culot de douter du diagnostic posé."[/dropshadowbox]

« N’attends pas que la vielle soit morte pour établir son âge » a-t-on répondu à un fils qui accompagnait sa mère en consultation. Sa mère ne connaissait pas son âge, lui-même avait essayé de donner un repère temporel en disant qu’il était né en 1975.

« Tu ne me dis pas tout, tu me caches quelque chose » asséna le soignant à une jeune femme qui tournait autour du pot et qui, à la fin de ses circonvolutions, finit par demander un test de grossesse.

« Tu n’as pas à demander d’examens supplémentaires, n’oublie pas que c’est de ta faute si ton enfant à la typhoïde » dit l’infirmier à une mère qui avait le culot de douter du diagnostic posé.

Les propos sont durs, mais je n’ai pourtant pas l’impression que les soignants usent et abusent de leur statut. Dans cette société précaire et incertaine, où la majeure partie de la population lutte chaque jour pour survivre, les rapports humains sont brutaux. Il y a peu de pitié pour les faibles. Comment vivre un quotidien aussi âpre et trouver les ressources pour faire preuve de compassion et d’empathie ?

Moi qui ne suis ici que depuis trois semaines, je sens que déjà des filtres se sont mis en place pour protéger ma psyché. Je ne peux porter un jugement de valeur sur le comportement de ceux qui ne connaissent rien d’autre que ces rudes conditions de vie.

 Vincent Marion

Retrouvez demain la suite du journal de Vincent Marion

 

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